L’équipe de la Pre Anita Lüthi, au Département des neurosciences fondamentales de l’UNIL, a participé à l’identification d’une nouvelle thérapie pour traiter les conséquences à long terme d’un traumatisme crânio-cérebral mineur. Cette étude internationale, dirigée par une chercheuse américaine, est parue dans l’édition du 10 septembre 2021 du journal «Science».
Vous a-t-on déjà dit de ne pas passer sous une échelle parce que cela porte malheur? «Superstition!», rétorqueriez-vous. Mais il s’agit sans doute d’un instinct de protection car même un faible coup reçu par un outil qui tombe, causant un simple mal de tête, peut avoir des effets à long terme sur le bien-être de ces personnes malchanceuses. Les clinicien·ne·s d’aujourd’hui parlent d’un traumatisme crânio-cérébral mineur (TCCm) quand la tête subit une force biomécanique qui secoue légèrement le cerveau. Plusieurs mois ou années après ce trauma, des troubles cognitifs et du sommeil, ainsi que des crises d’épilepsie peuvent apparaître. Pour le moment, il n’y a aucun remède particulier à ces maux, à l’exception du repos et du renoncement aux activités sportives juste après l’impact initial, qui peuvent favoriser la guérison du cerveau. Avec environ 69 millions d’enfants et d’adultes dans le monde qui souffrent d’un TCCm annuellement, l’absence de traitement pour prévenir des répercussions à long terme constitue un problème grave de santé publique.
Une thérapie ciblée par anticorps
Une découverte publiée le 10 septembre 2021 dans Science met en évidence une nouvelle stratégie thérapeutique. Ces travaux réunissent des expert·e·s internationaux en neurosciences, neuro-immunologie, neuro-inflammation et neurobiologie moléculaire, dont fait partie le groupe d’Anita Lüthi, spécialiste des rythmes cérébraux du sommeil et professeure associée au sein du Département des neurosciences fondamentales (DNF) de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL. Ils décrivent les mécanismes cérébraux des conséquences de ce type de trauma faible et sont coordonnés par la DreSc. Jeanne Paz aux Gladstone Institutes à San Francisco, en Californie. Dans cet article scientifique, une série d’expériences très ciblées sur des souris a permis d’élucider un processus moléculaire d’inflammation chronique qui succède au traumatisme initial. En effet, le facteur immunitaire C1q a été identifié comme médiateur-clé de ce phénomène. De plus, cet élément de l’immunité se retrouve aussi exprimé dans des tissus issus d’individus humains. Les scientifiques ont alors découvert qu’un anticorps dirigé contre ce composé et administré ni trop tôt, ni trop tard s’avère très efficace pour empêcher l’inflammation de perdurer et les neurones de mourir. L’équipe d’Anita Lüthi a notamment apporté la confirmation fonctionnelle de l’efficacité de ce traitement. Son doctorant Alejandro Osorio-Forero, avec d’autres membres de son laboratoire de recherche, a développé les approches analytiques qui permettent de démontrer que la perte des rythmes cérébraux du sommeil, voire leur transformation pathologique en des activités épileptiques, est prévenue par la thérapie avec cet anticorps.
De la paillasse à l’application clinique
Le potentiel translationnel de ces résultats dans le traitement des patient·e·s qui ont souffert d’un TCCm est élevé. En effet, l’anticorps en question est déjà en essai préclinique et, plus généralement, les études pharmaceutiques de la famille des molécules incluant C1q sont en augmentation. De plus, les rythmes cérébraux analysés par l’équipe de l’UNIL sont également présents chez l’humain où ils sont primordiaux pour la qualité et les actions pro-mnésiques (en faveur de la mémorisation) du sommeil. «Cette publication atteste de la réputation internationale de la recherche translationnelle sur le sommeil à Lausanne et donne espoir à de nombreux individus souffrant des conséquences d’un TCCm», conclut Anita Lüthi.