Après avoir pendant six ans œuvré comme vice-Doyen, Manuel Pascual succède le 1er août 2021 à Jean-Daniel Tissot comme Doyen de la FBM. Une passation des pouvoirs qui est aussi l’occasion d’échanger, de faire le bilan et… de remercier.
Jean-Daniel Tissot, de quoi êtes-vous fier, que retenez-vous de vos six ans comme Doyen à la FBM?
Jean-Daniel Tissot: Tout d’abord, j’insiste, il n’y a pas une personne ou un projet qui se dégage, mais un ensemble d’actions faites par un groupe de personnes, qui ont mis de côté leur agenda personnel pour se concentrer sur l’intérêt commun. Nous avons réalisé beaucoup de choses, et j’ai envie de citer notamment tout le travail effectué au niveau des écoles, dont les nombreux développements autour de l’enseignement de la médecine, y compris le développement de Profiles. En recherche aussi les lignes ont bougé, avec une vision plus coordonnée et centralisée de la gestion des plates-formes et des animaleries. Je retiens aussi la création de deux départements, le Département de biologie computationnelle et du Département des sciences biomédicales, qui sont le résultat de longs processus de maturation. Je vois deux fils rouges à ce Décanat: la volonté de consolider les liens entre les sciences fondamentales et les sciences cliniques au sein de notre jeune Faculté, et la volonté de simplifier, de rationaliser. C’est valable aussi pour la nomination des professeurs.
C’était aussi la première fois que la FBM se dotait d’un dicastère pour la communication et les affaires stratégiques…
Jean-Daniel Tissot: Oui, l’idée était là encore de rationaliser, de consolider l’existant, mais aussi d’avoir un soutien pour traiter les dossiers complexes, où la communication est critique. Et là, le vice-Doyen en charge Manuel Pascual était l’homme de la situation. Il a pris en mains plusieurs dossiers sensibles, avec son tact et sa ténacité habituels. Dans cet inventaire un peu à la Prévert, j’ajoute encore les développements au sein du Département de la formation et recherche, département du CHUV, comme la réorganisation de la recherche clinique et la naissance de l’Institut des humanités en médecine. Je précise que tout cela n’a pu être réalisé que grâce à la compétence et à la diligence de nos vice-Doyens, de l’équipe administrative et technique, et à la qualité de nos relations avec la direction de l’UNIL.
Manuel Pascual, comment peut-on digérer cet héritage?
Manuel Pascual: Quand je suis arrivé en 2015 au Décanat, j’ai appris à connaître la complexité, qui est aussi la richesse, de la FBM. C’était complètement nouveau pour moi: quand on travaille au CHUV, on a une vision assez partielle ou étriquée de la FBM, on ne se rend pas compte de tout ce qui se joue ici. Nous avons innové en créant ce nouveau dicastère, c’était un challenge, mais aussi un petit risque. Je pense que nous avons, après six ans, démontré sa pertinence, et nous allons à présent le faire évoluer, en intégrant la durabilité et la qualité. En tant que Doyen ou vice-Doyen, je pense qu’il est important d’aller vers les gens, de visiter chaque département comme nous l’avons fait: rien ne remplace le terrain; c’est comme cela qu’on avance, qu’on instaure la confiance. Nous avons consolidé la FBM, dans son organisation mais aussi dans son identité. Je pense qu’une Faculté aussi riche, intégrant – cas unique en Suisse! – la médecine, la biologie, les sciences infirmières et la pharmacie, peut jouer un rôle phare en Suisse.
Jean-Daniel Tissot, quelles sont les qualités principales de Manuel Pascual, votre bientôt ex-vice-Doyen et successeur au poste de Doyen?
Jean-Daniel Tissot: L’intelligence, la précision, la ténacité. J’ai souvent plaisanté en le qualifiant de parfait immunosuppresseur: la blague est facile, vu qu’il dirige le Centre de transplantation du CHUV. Et c’est vrai que Manuel sait éteindre les incendies. Pour autant, il ne faut pas s’y tromper: il est tenace, c’est un homme solide. Le «médicament» Manuel, ce n’est pas un placebo! Je pense que c’est la bonne personne pour le bon job au bon moment.
Manuel Pascual, si je vous adresse la même question pour l’actuel Doyen?
Manuel Pascual: Je mettrais en avant son humanisme, au sens large, et ses qualités de scientifique et de médecin. C’est un joueur très complet, si je puis dire: à la fois centre avant, gardien, milieu et libéro. Cette polyvalence, cette vue globale, a été un grand atout aux commandes de la FBM. On a tendance à la minimiser, mais je pense que la composante humaniste est importante: si on ne l’a pas, si on est que scientifique ou que médecin (même si on est un bon scientifique et un bon médecin), on risque de perdre le Nord. La difficulté, maintenant, cela va être de prendre la suite. Il n’y a pas de formation de Doyen, pas d’autre méthode que d’apprendre sur le tas, même si j’ai déjà obtenu quelques «crédits» comme vice-Doyen.
Vous vous connaissez depuis longtemps, puisque vous vous êtes connus au cours de votre formation de médecin, vous vous êtes longtemps côtoyés: comment va se passer la séparation?
Jean-Daniel Tissot: Je resterai à disposition, au besoin. Non pas comme un «empereur retiré» à la mode japonaise, qui tire les ficelles en coulisses, mais à titre consultatif. Je ne laisse aucun dossier physique à Manuel, mais près d’un million de documents sur notre serveur! Si je peux l’aiguiller dans cette masse... Je précise que je me serai noyé depuis longtemps sans mes deux secrétaires, Nicole Wöllhaf et Sandrine Magnin.
Un conseil pour votre successeur?
Jean-Daniel Tissot: Savoir bien arbitrer entre liberté et responsabilité: j’ai eu la chance d’avoir des vice-Doyens responsables à qui il était facile d’accorder une grande liberté. Vu la quantité de données à traiter, il est indispensable de déléguer. C’est valable aussi pour les adjoints et les collaborateurs du Décanat: il est assez rare de travailler avec des gens qui connaissent si bien leurs dossiers, et amènent non pas des problèmes en séance, mais déjà des solutions. Parfois bien sûr, je n’étais pas d’accord avec un de mes vice-Doyens; mais j’ai souvent choisi de respecter son choix, de l’assumer. A cet égard, je défends les mandats courts, le système de «mercenariat» du Décanat: cela empêche les dérives autoritaires, les gens qui sont restés trop longtemps en place ont tendance à penser qu’ils savent tout et font tout mieux que les autres!
On connaît l’hématologue, le vulgarisateur, l’humaniste, mais vous êtes aussi pour beaucoup le Doyen des blagues Carambar: allez-vous léguer votre fonds à votre successeur?
Jean-Daniel Tissot: Certainement pas! J’y tiens trop, et à chacun son style.