Aurélie Stoll a mené cette recherche doctorale en criminologie au sein de l’Ecole des sciences criminelles de la FDCA de l’Université de Lausanne.
Enfreindre la norme pénale, une ou plusieurs fois, être condamné, faire de la prison puis en sortir. Comment se distance-t-on de la délinquance ? Quelles ressources doit-on mobiliser ? Quels sont les obstacles rencontrés ? De quelle aide a-t-on besoin ? Au lieu de se focaliser uniquement sur les risques de récidive, la désistance se concentre sur les parcours de désengagement de conduites délinquantes, les forces et les ressources des personnes. Ces personnes sont au cœur de la recherche d’Aurélie Stoll et de sa thèse, réalisée sous la direction de la professeure Manon Jendly et, défendue en décembre 2020 : Mobiliser les trajectoires émotionnelles pour raconter la désistance : récits de vie en transition, de l’établissement carcéral à la société libre.
Dans sa recherche, Aurélie Stoll a mobilisé différents outils de l’enquête qualitative et réuni un matériel très riche. De 2018 à 2020, elle a rencontré, à réitérées reprises, 24 participants volontaires condamnés, incarcérés puis libérés d’établissements pénitenciers fermés en Suisse romande. Afin de saisir le sens que les enquêtés attribuent à leur processus de désistance, Aurélie Stoll a utilisé le récit de vie accompagné d’une ligne de vie crayonnée lors des premières rencontres, puis l’entretien semi-structuré, à l’occasion des suivantes. Des productions d’écriture libre, source de données originale et peu mobilisée pour étudier les sorties de délinquance, complètent ces témoignages oraux. La propre démarche réflexive de la chercheure a également été consignée dans un carnet de bord alimenté tout au long de la recherche et érigé au rang d’outil d’enquête.
De ces entretiens et de ces pages, Aurélie Stoll a fait apparaitre que le processus de désistance et ses états affectifs associés s’apparente à la recherche d’un juste équilibre. Les personnes les plus enclines à adopter progressivement un mode de vie sans infractions seraient celles qui parviennent, dans la durée, à ne pas perdre leurs objectifs de vue en dépit du stress et des inquiétudes, qui surmontent les obstacles rencontrés malgré les découragements et qui réussissent à maintenir un juste degré d’espoir et de motivation. Cette quête d’équilibre est d’autant plus vertigineuse qu’elle s’inscrit le plus souvent dans la continuité de parcours de vie déjà difficiles, que le contact au système de justice pénale et à l’institution carcérale vient encore fragiliser. La recherche met aussi en avant l’importance du développement et du maintien de relations estimées, des relations soutenantes sous divers aspects et qui jouent un rôle décisif.
Aurélie Stoll identifie quatre catégories d’obstacles : administratifs, institutionnels, législatifs et sociétaux. Ces obstacles, souvent cumulés et conjugués à la charge émotionnelle, rappellent que le processus de désistance ne peut reposer uniquement sur les seules épaules des individus et nécessitent d’être investies par des politiques publiques autres que les seules politiques criminelles.
La recherche d’Aurélie Stoll est riche de son expérience professionnelle auprès du Service pénitentiaire neuchâtelois. Durant 6 ans, elle a travaillé avec des personnes judiciarisées en tant qu’assistante de probation puis responsable d’exécution des sanctions. Nourrie de la pratique comme de la recherche, Aurélie Stoll poursuit désormais aussi son action en qualité de responsable de la guidance scientifique du projet-pilote Objectif Désistance porté par la Commission latine de probation, organe du Concordat latin sur la détention pénale des adultes.