Fanny Badache (LAGAPE) a soutenu sa thèse : “Geographic diversity within the United Nations Secretariat: Performance and Legitimacy in an International Bureaucracy”.
Comment en êtes-vous venue à faire une thèse ?
Pendant mon cursus universitaire, j’ai eu la possibilité de faire plusieurs stages dans le domaine international. J’ai travaillé pour le siège d’une ONG à Genève active dans les Droits de l’enfant, puis j’ai été envoyée en mission en Sierra Leone. J’ai également fait un stage au siège de l’ONU à Genève. Mon expérience bien que riche s’est très vite contrastée avec les idées que j’avais avant de m’engager. La précarité des emplois, le type de tâches très bureaucratiques, la lenteur administrative m’ont fait réaliser que cela ne correspondait pas exactement à mes désirs professionnels. Après mon master, l’idée de faire une thèse de doctorat a donc été un contre-pied à mon expérience professionnelle pour pouvoir aborder ce monde qui me passionne avecune perspective plus académique.
Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre thèse ?
Ma thèse part d’un constat objectif qui révèle que le personnel de l’ONU est composé de plusieurs nationalités. L’ONU a la possibilité de recruter parmi tous ses États-membres, soit 193. Les organisations onusiennes sont donc composées d’une très forte diversité des nationalités. Cette diversité est fortement mise en avant dans les discours de ces organisations car elle permet de légitimer leurs pratiques. En bref, l’ONU ne peut se dire organisation internationale que si ses employé.e.s proviennent de plusieurs États-membres. Partant de ce discours, j’ai voulu regarder ce qui se passe dans la pratique, et notamment les perceptions des acteurs sur cette question de diversité. Grâce à mes entretiens, je me suis rendue compte que les employé.e.s perçoivent la diversité comme positive mais qu’elle n’est pas pour autant un élément central pour expliquer la cohésion et la performance. Grâce à mes recherches, je me suis rendu compte que le profil sociologique du personnel est très homogène. Ils ont les mêmes parcours, la même éducation et la même expérience professionnelle. Cela permet d’expliquer leur attitude vis-à-vis de la diversité. Pour eux-elles, la diversité est intériorisée et les relations professionnelles dans un contexte multiculturel facilitées. Si cette question de la diversité a été très étudiée dans les différents champs de recherche, l’étude de celle-ci au sein des organisations internationales l’a en revanche très peu été.
Est-ce que cela a été aisé ?
Pas vraiment. Grâce à mon stage aux Nations-Unies, j’avais les contacts de tous les directeurs RH de toutes les organisations onusiennes. Je les ai contactés au début de ma thèse afin de faire des entretiens exploratoires. Malgré leur réactivité et la richesse de nos échanges, j’ai dû me heurter à d’âpres négociations pour récolter des données quantitatives à travers un questionnaire destiné aux employé.e.s des organisations. Après plus de deux ans de thèse, j’ai dû me résoudre et comprendre qu’il était impossible de récolter ces données. C’était une grande déception. J’ai donc choisi de réaliser plus d’une vingtaine d’entretiens avec des employés de deux départements au sein du Secrétariat des Nations Unies à New- York. Cette bifurcation dans ma thèse m’a forcée à revoir mon approche épistémologique. Cette fermeture du terrain a toutefois été révélatrice de plusieurs réflexions que je concrétise aujourd’hui dans un ouvrage à paraître, co-réalisé avec Lucile Maertens et Leah Kimber sur les méthodes de recherches appliquées aux organisations internationales.
Que gardez-vous de votre expérience de thèse ?
Mon expérience a été très positive. J’ai eu la chance de la réaliser dans des conditions matérielles et humaines exceptionnelles. Mon laboratoire de recherche (le LAGAPE) m’a très vite intégrée dans un réseau de recherche international avec la possibilité de me rendre à plusieurs conférences internationales à Hong-Kong ou Chicago par exemple. Aussi, j’ai trouvé que l’expérience professionnelle d’une thèse est extrêmement variée puisqu’outre l’enseignement et notre propre recherche, nous pouvons nous intégrer institutionnellement et défendre des causes mais aussi présenter des papiers lors de conférences internationales. C’est très rare que dans un seul métier, nous puissions exercer plusieurs activités aussi variées. Enfin, contrairement à ce qu’on pourrait croire, la thèse n’est pas une expérience individuelle. Au contraire, c’est une expérience collective et mon travail de recherche a été nourri de toutes mes rencontres au cours de ces cinq dernières années.
Actuellement, je suis post-doc à l’IHEID (institut des hautes internationales et du développement de Genève) et je travaille dans un projet FNS qui s’intéresse à l’impact des changements dans les relations internationales sur les Nations-Unies.