Avant de s’implanter à plus large échelle, les mammifères exotiques introduits dans un nouveau territoire doivent premièrement s’établir dans des climats similaires à ceux de leur région native. Le laboratoire d’écologie spatiale de l’UNIL a développé un nouvel outil qui permet de confirmer cette théorie et d’anticiper les risques d’invasions par les espèces exotiques. Une étude à ce sujet a été publiée le 21 avril 2021 dans "Nature Communications".
Une hypothèse clé dans l’étude des invasions biologiques stipule que pour qu’une espèce exotique puisse envahir un nouveau territoire, plusieurs individus doivent d’abord être introduits et établir une population initiale viable dans un site présentant des conditions climatiques similaires à celles de leur aire d’origine (appelée «niche climatique native» de l’espèce). Leurs descendants pourront ensuite se propager dans des régions différentes et ainsi étendre leur territoire. Ce concept, pourtant déjà bien accepté théoriquement, n’avait jusqu’ici pas été solidement testé. Une des principales raisons de cette lacune est la rareté des cas documentés non seulement de succès d’établissement de populations exotiques, mais surtout d'échecs, car ces populations ont disparu.
Test sur près de 1000 introductions d’espèces invasives
Pour pallier ce manque et tester cette hypothèse, trois chercheurs du Laboratoire d’écologie spatiale de l’UNIL (affilié à la Faculté de biologie et de médecine et à la Faculté des géosciences et de l’environnement) ont développé l’indice NMI (Niche Margin Index) ou «indice de marge de niche». Le DrSc. Olivier Broennimann, le DrSc. Blaise Petitpierre et le Pr Antoine Guisan, en collaboration avec d’autres chercheurs dont Sven Bacher à l’Université de Fribourg, ont testé leur outil en numérisant un large jeu de données relatif à 979 introductions de 173 espèces de mammifères exotiques à travers le monde dont l’issue de l’implantation – réussite ou échec – était connue. «Il a alors été possible d’obtenir le NMI en calculant la distance de ces introductions à la marge de la niche climatique native de l’espèce, et de mettre en relation ce NMI avec le succès d’établissement», explique Olivier Broennimann, premier auteur de l’étude. Les jeux de données utilisés comprennent des animaux invasifs en Suisse comme le ragondin (Myocastor coypus), le rat musqué nord-américain (Ondatra zibethicus) ou le raton laveur (Procyon lotor).
L’étude publiée le 21 avril 2021 dans la revue scientifique Nature Communications montre que l’indice développé permet d’expliquer le succès d’établissement initial des espèces invasives mieux que d’autres facteurs étudiés précédemment (par exemple les traits d’histoire de vie liés à la reproduction, la taille de l’aire native, le temps écoulé depuis l’introduction). Seul le nombre d'individus originellement introduits donne d’aussi bons résultats.
«Notre indice ouvre de nouvelles perspectives pour anticiper les risques d’établissement de populations exotiques et pourrait ainsi permettre d’éviter de coûteuses campagnes d’éradication ou de contrôle des espèces envahissantes», se réjouit Olivier Broennimann. «La prochaine étape est maintenant de tester cet outil plus largement et de l’appliquer à d’autres situations en écologie, notamment dans le contexte des changements climatiques», complète le directeur de l’étude, Antoine Guisan.