Webinaire organisé par l'Association des Jeunes Chercheurs Comparatistes (AJCC) du 20 au 24 septembre 2021. Délai d'envoi des propositions: 15 mai 2021.
Argumentaire
"Le lien du langage est peut-être le plus fort et le plus durable qui puisse unir les hommes", écrivait Alexis de Tocqueville dans De la démocratie en Amérique (1835). Ce qui pouvait passer pour l’intermédiaire nécessaire d’une communication rustique dans les premiers âges est devenu, au fil du développement de l’espèce humaine, un marqueur essentiel de l’identité culturelle (Albert, 1999). D’une domination de fait dans l’Europe de l’humanisme et des Lumières, la langue de Molière a ensuite voulu barrer les ambitions de l’Angleterre qui commerçait dans celle de Shakespeare dans tous les ports du globe. La diffusion du français fut d’abord une entreprise contrainte, menée dans les écoles du vaste empire colonial français. Par la force du temps, il fut réapproprié par des peuples multiples qui nourrissent aujourd’hui l’un des principaux temples de la littérature mondiale et de la résistance à l’intarissable succès de la "langue du commerce" et de son empire culturel: ainsi le fait linguistique se marie au fait politique. La francophonie, en tant que phénomène culturel (Senghor, 1968) et linguistique, pourra donc être distinguée de la Francophonie, comprise comme un acteur des relations internationales (Erfurt & Amelina, 2011).
Quelle que soit la formule retenue, il est d’abord question d’un espace linguistique qui mobilise une histoire, une littérature, un cinéma, des normes, des institutions – en un mot une culture – qui échappent à une unité géographique, ethnique ou religieuse, et qui s’émancipe de la matrice nationale française. Depuis le manifeste "Pour une littérature-monde en français" (Le Monde, 2007), une partie de la république des lettres a pris la mesure de sa dimension plurielle et s’est résolue d’en finir avec une Francophonie fâchée avec le monde contemporain. Depuis, pléthores d’écrivaines et d’écrivains, critiques des origines coloniales de la francophonie (Mabanckou, 2018), renouvèlent en toute autonomie la littérature en langue française et matérialisent le dynamisme des francophonies.
L’Organisation Internationale de la Francophonie, comme d’autres institutions comme l’Académie française, essuient parfois le mépris d’une partie de l’opinion. Elle assume la résilience zélée d’une francophonie de combat qui ne cache pas ses humeurs contre la domination malvenue de l’anglais, apparemment à contre-courant du reste du monde. On aurait pourtant tort de figer ces institutions dans une posture défensive: l’ouverture de la Francophonie à la diversité culturelle est une donnée contemporaine qui fait même bon ménage avec la mondialisation (Tréan, 2006), et qui s’incrit pleinement dans l’esprit de la déclaration universelle de l’UNESCO de 2001 et de la Déclaration de Montréal de 2007. Il peut être pertinent de s’interroger sur la place des acteurs traditionnels et du patrimoine historique de la Francophonie, contraints de s’adapter à la modernité étourdissante des nouveaux pôles d’influence sur les cinq continents (Tétu, 1997).
L’analyse du fait francophone doit immanquablement intégrer ses réalités locales, matériaux privilégiés d’une approche comparative. Bien qu’elles constituent des espaces souvent hétéroclites, les francophonies peuvent bénéficier de mises en perspectives fécondes. En position de force ou de faiblesse, à l’intérieur d’un État, d’une région ou d’un village, langue d’usage ou de commerce, maternelle ou acquise, le français a rencontré des destins multiples, liés bien souvent à celui de ses locuteurs. En Afrique comme en Amérique du Nord, ces architectes sont souvent conscients de la survie ou de la vitalité de leur langue, symbole et creuset de leur ethnicité (Smith, 1987) ou même de leur identité nationale (Dumont, 1993; Thériault, 2000).
Une telle diversité convoque l’intérêt du comparatiste, qui entreprendra l’analyse de la F(f)rancophonie ou des francophonies, dans toutes les perspectives que lui offrent les sciences humaines et sociales. Les propositions de communications au webinaire donneront lieu à une publication dans les Cahiers Tocqueville des Jeunes Chercheurs, sous réserve de l’approbation d’un comité de lecture spécialement réuni.
Axes suggérés (non exhaustifs):
Règles du processus de proposition et de publication:
Date limite de proposition des propositions: 15 mai 2021.
Date du webinaire: 20-24 septembre 2021 (cette date est susceptible d’être modifiée).
Pour tout renseignement, contactez-nous à l’adresse ajcc.ctjc2@gmail.com.