Le professeur Christian Thöni remet en cause quelques certitudes dans un article publié avec Stefan Volk et Jose M. Cortina.
Christian Thöni, Stefan Volk et Jose M. Cortina ont fait le postulat qu'en matière de coopération, hommes et femmes sont aussi coopérants en moyenne mais que des différences significatives apparaissent lorsqu’on observe la répartition. Le comportement des hommes varie plus fortement. Pour vérifier ce postulat, les chercheurs ont conduit deux importantes méta-analyses et publient leurs résultats dans Psychological Science.
Greater Male Variability in Cooperation: Meta-Analytic Evidence for an Evolutionary Perspective. Psychological Science 32, no. 1 (January 2021): 50–63. 10.1177/0956797620956632.
Pour la première étude, Christian Thöni et ses collègues ont réuni les données de 40 expériences extraites de 23 études de dilemmes sociaux rassemblant 8123 participant·e·s. En moyenne, les tendances à coopérer sont les mêmes pour les hommes et les femmes mais, comme postulé, la distribution diffère. En effet, les hommes ont plus tendance à être placés aux extrêmes, soit très coopérants, soit pas du tout.
Pour la deuxième méta-analyse, les chercheurs ont compilé les données d’une vingtaine d’études d'Organizational Citizenship Behavior (OCB) réunissant 13985 participant·e·s. Les données proviennent ici d’études portant sur la coopération au travail, menées dans des entreprises et non en laboratoire. Le postulat de départ se vérifie également à travers ces données. La répartition des hommes montre une plus grande variabilité entre des comportements soit très altruistes, soit très égoïstes.
Que nous dit cette différence dans la répartition ?
Ces résultats peuvent corroborer les théories expliquant les différences entre les sexes du point de vue de l'évolution. Selon la théorie évolutionniste, un sexe présentera une plus grande variabilité lorsqu'il est confronté à une intense compétition intrasexuelle et à une sélection importante de la part de l'autre sexe. Dans la plupart des espèces et dans la nôtre également, le mâle se retrouve le plus souvent dans cette situation. Pour les comportements de coopération, c'est bien une plus grande variabilité masculine dans toutes les études et situations stratégiques analysées que met en lumière cette recherche.
Ces résultats suggèrent que, non seulement pour la coopération humaine mais aussi pour la prise de décision en situation de risque ou l'attitude envers la concurrence par exemple, se concentrer sur la variabilité des comportements peut être tout aussi éclairant que les tendances centrales.
Christian Thöni est professeur d’économie au Centre de droit public de l'Ecole de Droit de l'Université de Lausanne.