Episode un de la série "Nouvelle Economie des Migrations" sur France Culture
Sébastien était l'invité de France Culture dans le premier épisode "Une mécanique de l'exploitation" de leur série NOUVELLE ECONOMIE DES MIGRATIONS, notament pour partager les résultats de sa recherche que l'on peut trouver dans son livre "Les agences de la précarité : journaliers à Chicago (Editions du Seuil, 2010)
Alors que l’esclavage a été aboli en 1848 en France, de nombreuses associations soulignent qu’il perdure en réalité dans nos sociétés, sous la forme de travail forcé, précaire et servile. Et ce sont souvent des immigrés qui effectuent ces tâches : qu’est-ce que cela dit de nos sociétés ?
Le 21 avril 2020, plusieurs personnalités, dont M. Louis Gallois, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), ont appelé à une régularisation des travailleurs étrangers qui « tiennent notre vie sociale et notre économie à bout de bras ». D’après un communiqué du gouvernement du 22 décembre 2020, Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, chargée de la citoyenneté, a également déclaré vouloir faciliter la naturalisation des travailleurs étrangers en première ligne face à la crise sanitaire.
"Des explications simplistes diraient que les sans-papiers existent pour les besoins du capitalisme et parce qu'ils permettent un coût du travail plus faible. Il y a une partie de vérité dans ces assertions mais beaucoup d’employeurs et d’organisations d’employeurs sont plutôt favorables aux programmes de régularisation, notamment parce que l'irrégularité entraîne de l’instabilité mais aussi parce que les employeurs ont une préférence pour le contrôle de la mobilité de la main d'oeuvre, qui est mis en place dans les systèmes de migration circulaire." – Sébastien Chauvin
Ils sont professionnels de santé, femmes de ménage, garde d’enfants, caissiers… La « gig économy », où ils travaillent pour des plateformes comme Uber ou Deliveroo, souvent en tant qu’indépendants. On retrouve les travailleurs immigrés et illégaux la plupart du temps dans les tâches les plus serviles.
Si l’esclavage a été aboli en 1848 en France, de nombreuses associations soulignent aujourd’hui encore que l’esclavage existe toujours aujourd’hui y compris en France. Des enfants, des femmes, des hommes, dont les droits sont bafoués. L’esclavage moderne revêt différentes formes : l'esclavage domestique, les ateliers clandestins, la mendicité forcée, et la prostitution forcée. L’arsenal juridique pour lutter contre ces exploitations n’est pas encore totalement efficient. Et le terme d’« esclavage » fait peur, renvoie au passé et à des systèmes juridiques révolus.
"Les abolitions de l'esclavage sont évidemment importantes, mais sur le plan pratique et social, elles apportent très peu pendant des décennies : les travailleurs n'ont pas les mêmes droits que leur employeur. Ils sont formellement libres mais, dans les faits, ils ne sont pas libres de choisir leur emploi et de se déplacer parce qu'autrement ils sont passibles de poursuites pénales pour vagabondage." – Alessandro Stanziani
Peut-on analyser les situations de travail forcé aujourd’hui à travers le prisme de l’ “esclavage” sans pour autant perdre la valeur et la spécificité de l’usage du terme, et tout en restant crédible ? Les travailleurs immigrés venant d’Afrique, dans un contexte post-colonial, et à qui on laisse les tâches plus serviles sont-ils des esclaves modernes ? Pour en parler, nous avons fait appel à Alessandro Stanziani, historien, directeur d’études à l’EHESS, directeur de recherches au CNRS et membre du Centre de Recherches Historiques et Sébastien Chauvin, sociologue et professeur associé à l’Institut des Sciences Sociales de l’Université de Lausanne.
Ecoutez l'émission ici