Roberto Di Capua (OVPR-LAGAPE) est désormais Docteur en science politique après avoir soutenu sa thèse, intitulée : « Un système “de milice” sélectif. Recrutement et profil socio-politique des élus communaux de Zurich, Lausanne, Lucerne et Lugano (1945-2016) ».
Comment en êtes-vous venu à vous lancer dans une thèse doctorale ?
C’est une envie que j’avais en tête depuis la fin de mon Bachelor, mais je me suis vite rendu compte qu’il n’est pas aisé d’y parvenir notamment parce que le nombre de places est assez limité. Après un mémoire qui portait sur un tout autre sujet (l’épistémologie marxiste de Georg Lukács et Lucien Goldmann), une opportunité s’est présentée, celle d’étudier, dans le cadre d’un projet FNS, les élites politiques urbaines. Lorsqu’on débute une thèse liée à un projet FNS, le sujet est assez cadré, avec des limitations claires sur la période, les lieux voire même les données à récolter. Ensuite, il s’agit d’articuler une problématique autour du projet en place. Dans mon cas, je me suis intéressé à la représentativité des conseils communaux des villes de Lausanne, Zurich, Lucerne et Lugano afin d’examiner si la supposée identité gouvernant·es-gouverné·es que l’on attribue idéologiquement au système « de milice » correspond à une réalité empirique. J’ai donc questionné le système « de milice » (entendu comme un système politique non-professionnel) comme garantie ou non de la représentativité et étudié quels sont les critères de sélection et leur évolution dans le temps.
Avec quels résultats ?
J’ai très vite remarqué qu’il n’y a pas de représentativité des conseillers communaux, a contrario, il y a même une très forte sélectivité sociale. Toutefois, celle-ci évolue dans le temps et plusieurs facteurs l’expliquent. Premièrement, il y a ce que Gaxie appelle le cens caché. Les inégalités sociales provoquent des degrés de politisation très variables entre citoyen·nes. Par conséquent, les personnes de classes populaires, qui occupent des positions subalternes dans l’économie, vont souvent s’autocensurer de la vie politique. Ensuite, il y a des facteurs socio-économiques qui vont faire évoluer le profil sociodémographique des citoyen·nes des villes, ce qui de facto impactera sur le réservoir des élu·es locaux disponibles pour être candidat·e. À ce niveau, la gentrification des villes conduit de nos jours à concentrer les nouvelles classes moyennes au sein des centres urbains et à en exclure les classes populaires. Puis les clivages partisans mis en avant évoluent eux aussi : depuis 1945 à aujourd’hui on est passé d’un clivage capital/travail qui opposait les détenteurs des grands moyens de productions aux travailleurs, à un clivage GAL (Green Alternative Libertarian) / TAN (Traditional Authoritarian Nationalists). La transformation de ces clivages va faire varier l’identité idéologique des partis et donc également l’électorat et les candidat·es qu’ils attirent. Enfin, il y a la transformation des règles formelles, comme le droit de vote et d'éligibilité des femmes, qui définissent qui a le droit formel de participer au jeu politique et donc devenir un·e élu·e local·e.
Désormais Docteur, comment est-ce que vous percevez votre rôle dans la société civile ?
Dans le cadre de ma thèse, je me suis intéressé à une question essentielle qui est : est-ce que tout le monde peut participer politiquement ou est-ce qu’il y a des facteurs qui les en empêchent. À cet égard, mon rôle est de rendre public mes résultats et d’avoir un avis critique sur l’état de santé de notre système politique représentatif. La science politique doit produire de la théorie mais celle-ci doit également se transformer en pratique pour la société. Est-ce que mes résultats se traduiront sous forme de manuels, de formations ou d’articles vulgarisés ? L’avenir nous le dira, mais il faut éviter de confiner nos savoirs à la seule sphère académique.