Roger Schmid, fraîchement diplômé d’un Master en géographie de l’Université de Lausanne, s’est penché pour son travail de mémoire sur les éléments qui poussent les étudiants à déménager près de leur lieu d’étude ou à effectuer les trajets.
Environ deux tiers (65,1%) des étudiantes et étudiants de l’Université de Lausanne semblent privilégier un mode de vie pendulaire au lieu d’un déménagement en région lausannoise. C’est l’une des conclusions du travail de mémoire de Roger Schmid, dirigé par le professeur Patrick Rérat, pour l’obtention de son Master en urbanisme durable et aménagement des territoires (Faculté des géosciences et de l’environnement). Roger Schmid a sondé via un questionnaire en ligne 1831 camarades, niveau bachelor et master, issus de toutes les facultés, qui en temps normal étudient sur le campus de Dorigny, au CHUV ou encore à Épalinges.
Il ressort aussi de son étude que les étudiants pendulaires mettent en moyenne 58 minutes pour gagner le campus depuis leur domicile, tandis que ceux ayant déménagé 23 minutes. Les étudiants de l’UNIL effectuent ainsi des trajets plus longs que ceux inscrits dans d’autres hautes écoles suisses, selon une analyse menée par l’Office fédéral de la statistique (OFS) en 2017.
Should I stay or should I go ? *, une question cruciale
« Je suis haut-valaisan et je me suis établi à Fribourg pour mon bachelor. Lorsque j’étais inscrit en Master à l’UNIL, je faisais les trajets Fribourg-Lausanne. Mes amis me demandaient pourquoi je n’avais pas déménagé à Lausanne, commente l’ex-étudiant. C’est exactement la question de recherche de mon mémoire : pourquoi les étudiants se déplacent-ils ou pourquoi déménagent-ils, et quelle est l’influence de leur contexte individuel dans cet arbitrage ? ».
Pour y répondre, Roger Schmid a opté pour quatre grands critères faisant pencher la balance dans la décision de quitter ou non le domicile actuel, dans la plupart des cas le foyer familial, pour se rapprocher de l’UNIL : l’aspect économique, la dimension fonctionnelle (par exemple, la possibilité de travailler dans le train, ou au contraire l’avantage de vivre à proximité du campus), le côté social (amis, famille ou conjoint), et enfin l’élément sensible, comme la volonté de changer d’air ou, à l’inverse, l’attachement à sa région. Le jeune géographe a croisé ces éléments avec les variables individuelles des participantes et participants, telles que leur âge, leur situation économique, ou encore leur taux de fréquentation du campus.
À l’aide des données récoltées via les questionnaires, notre interlocuteur a identifié différents « points de bascule » sur la décision de déménager ou de penduler. L’aspect financier est le plus souvent mis en avant chez ceux qui font les trajets, le fait de vivre chez ses parents étant une solution plus économique. La distance et le temps de trajet constituent aussi d’importants paramètres. Par exemple, au-delà de 95 minutes de voyage, les personnes sondées préfèrent s’installer plus près de l’UNIL.
Plutôt « étudiant nidicole » ou « bi-résidentiel » ?
Pour aller plus loin, Roger Schmid a établi une typologie des différents étudiants, avec dix catégories. Chez les pendulaires, le groupe qu’il a poétiquement appelé « étudiants nidicoles » est le plus représenté (31%). Il s’agit des plus jeunes (23 ans en moyenne), peu indépendants financièrement et qui estiment, entre autres, qu’il est agréable de vivre dans le foyer familial. Au contraire, les « pendulaires contraints » (15%) ne peuvent pas déménager près de l’université car ils n’en n’ont pas les moyens. De plus, ils ne montrent pas un grand ancrage local et jugent leurs trajets contraignants.
Quant aux étudiants ayant déménagé, le groupe des « jeunes décohabitants » est le plus important (29%) : leur souhait d’émancipation du cadre familial et de rapprochement des activités étudiantes les caractérise le plus. Autre exemple, les « bi-résidentiels » (24%). Ils ne présentent pas une forte volonté d’émancipation du cadre familial, passent souvent le week-end chez leurs parents et ont emménagé à proximité du campus pour des raisons pratiques.
La pendularité, une tendance globale
Le Haut-Valaisan espère que son travail, récompensé par une mention « très bien », puisse apporter des éléments de base pour une future offre de transports publics, notamment, ainsi qu’ajouter une brique à la recherche sur la mobilité. Il précise : « lorsque j’ai envoyé mes questionnaires le 20 mai 2020, le bâtiment Vortex (ndlr : qui met à disposition des étudiants 828 chambres et studios depuis septembre 2020) n’était pas encore ouvert aux les étudiants. » Trop tôt pour en observer les effets sur le marché du logement lausannois, saturé, ainsi que pour analyser les effets de la pandémie actuelle sur la mobilité des personnes sondées. « J’imagine que le développement des enseignements en ligne renforcera la tendance des étudiants à encore moins déménager. »
Les résultats de son étude n’ont que partiellement surpris Roger Schmid, qui à présent effectue des allers-retours quotidiens Fribourg-Berne pour un stage en aménagement du territoire. Il rappelle que la pendularité est une tendance qui s’amplifie. Selon les données de l’OFS, la part des pendulaires a augmenté de 35% entre 1990 et 2017 chez les personnes actives.
(*« Should I stay or should I go » est un titre-phare du groupe The Clash.)