En Suisse, les membres des minorités sexuelles(1) et de genre(2) sont toujours victimes de discrimination structurelle, d'exclusion sociale et de violence physique. C'est ce que démontrent deux psychologues des Universités de Lausanne et de Zurich dans une enquête menée auprès de 1400 personnes LGBTIQ+(3). Par exemple, on leur refuse toujours le mariage. Pourtant, plus de la moitié de ces personnes aimerait pouvoir en bénéficier. Les inégalités sont particulièrement prononcées parmi les membres des minorités de genre.
L’année 2020 a été cruciale pour les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, intersexes et queer (LGBTIQ+) en Suisse : la population a voté en faveur de l'extension de la loi anti-discrimination. Par ailleurs, le Conseil des Etats et le Conseil National se sont prononcés en faveur d’une version complète du mariage pour tous. Le vote final des deux chambres aura lieu le vendredi 18 décembre.
L'enquête 2020 du Panel Suisse LGBTIQ + donne un aperçu de la situation des personnes LGBTIQ+ pendant cette période. Pour cette étude, menée par les psychologues sociales Léila Eisner (Université de Lausanne) et Tabea Hässler (Université de Zurich), plus de 1400 personnes LGBTIQ+ ont été interrogées sur les débats politiques actuels, les discriminations existantes, le soutien et le rôle des écoles.
Le désir généralisé de mariage et d'enfants
Si le mariage devient moins populaire parmi les personnes hétérosexuelles, une majorité (55 %) de membres de minorités sexuelles comme les personnes lesbiennes, gays ou bisexuels voudrait quant à elle se marier si c’était légal en Suisse. Cette requête s'accompagne souvent du désir d'avoir des enfants : plus d'un tiers des membres des minorités sexuelles aimeraient en avoir. Parmi les membres des minorités de genre comme les personnes trans, non binaires ou intersexes, plus d'un cinquième le revendique.
Engagement et préoccupations concernant la législation antidiscriminatoire
De nombreuses personnes LGBTIQ+ se sont activement engagées dans la campagne visant à étendre la loi anti-discrimination en 2020. Elles ont notamment eu des conversations avec des personnes hétérosexuelles (80 %), ont publié des messages sur les médias sociaux (57 %) et ont accroché des drapeaux arc-en-ciel sur leur balcon (48 %). « Si le résultat du vote - l'extension de la loi anti-discrimination à l'orientation sexuelle - a été bien accueilli, les personnes interrogées ont été déçues par les commentaires désobligeants et parfois par les discours de haine prononcés ouvertement avant le vote», affirme Tabea Hässler, chercheuse postdoctorale à l'UZH. « Certain.e.s participant.e.sont aussi regretté que l'identité de genre ne soit pas également prise en compte.»
Discrimination au niveau physique, structurel et social
Les auteures de l'étude classent les taux de discrimination qui ressortent de leur enquête comme alarmants : par exemple, 40 % des participant.e.s à l'étude ont été victimes de harcèlement sexuel de la part d'hommes au cours de l'année écoulée. Les membres des minorités de genre sont deux fois plus susceptibles d'être victimes de discrimination que les membres des minorités sexuelles concernant les discriminations liées à la violence physique (16 % contre 8 %), à l'exclusion sociale (55 % contre 33 %) et aux désavantages structurels (78 % contre 40 %). Cette dernière forme de discrimination comprend, par exemple, l'absence de droits tels que le droit au mariage et à l'adoption, l'impossibilité de s'inscrire comme "non-binaire/divers" ou "intersexe" dans les documents officiels, ou l'absence de toilettes unisexes. Une explication de ces grandes différences pourrait venir du fait que les membres des minorités de genre sont souvent invisibilisés et que la diversité de genre dans son ensemble est moins discutée au sein de la société que l’orientation sexuelle.
Manque de sensibilisation à l'école
Cette tendance se manifeste entre autres dans les écoles : parmi les participant.e.s à l'étude âgés de moins de 21 ans, la moitié a déclaré que l'orientation ou l'identité sexuelle n'était pas du tout évoquée à l'école. « Cela contraste fortement avec les besoins des personnes LGBTIQ+ d'âge scolaire», affirme Léïla Eisner, chercheuse à l'Université de Lausanne. En effet, bien qu'elles soient particulièrement vulnérables aux brimades et à la discrimination, elles ne savent souvent pas vers qui se tourner. « Une plus grande visibilité et le soutien des enseignant.e.s et des camarades de classe seraient d'une grande aide dans ce domaine », poursuit la psychologue sociale.
Une étude longitudinale montre des changements dans le temps
L'enquête montre que les membres des minorités sexuelles et de genre en Suisse continuent de subir des discriminations et ne se sentent pas pleinement acceptés par la société. Comme le soulignent les auteures de l'étude, cette tendance est particulièrement prononcée chez les membres des minorités de genre, ce qui en fait un groupe vulnérable au sein de la communauté LGBTIQ+.
Afin de suivre l'évolution et de comprendre comment les changements du contexte social et politique influencent la situation des personnes LGBTIQ+, le panel LGBTIQ+ sera poursuivi : en plus des questions sur la discrimination, des sujets d'actualité seront également abordés. La prochaine enquête aura lieu en janvier 2021.
(1) Les personnes ayant une orientation sexuelle minoritaire telles que les personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles ou pansexuelles
(2) les personnes ayant une identité de genre minoritaire telles que les personnes trans, non-binaires ou intersexes
(3) Anglais pour lesbiennes, gays, trans, intersexes et queer
Littérature:
Hässler, T., et Eisner, L. (2020). Panel suisse LGBTIQ + - Rapport de synthèse 2020.
https://doi.org/10.31234/osf.io/kdrh4
Version française disponible sur: http://swiss-lgbtiq-panel.ch/
Financement
Le rapport annuel 2020 du panel suisse LGBTIQ + a été soutenu financièrement par le Fonds national suisse avec l’instrument AGORA.