Chouettes, les hiboux ?

Oiseaux de mauvais augure ou, au contraire, porte-bonheur ? Le biologiste Alexandre Roulin et la psychologue Christine Mohr, professeur·e·s à l’UNIL, s’associent pour mieux comprendre les superstitions et les croyances liées aux chouettes et aux hiboux. Un questionnaire, disponible en près de 35 langues, permet à chacun de donner son avis sur ces rapaces nocturnes.

© Eric Médard

Chez les Celtes, la chouette faisait office de guide spirituel, éclairant le chemin à travers la nuit. Les Romains, eux, associaient cet oiseau à la sorcellerie et à la magie noire. D’ailleurs, la famille des strigidés, à laquelle appartiennent les chouettes et les hiboux, tire son nom du latin striga, sorcière… Durant des siècles, ces rapaces étaient cloués aux portes pour conjurer le mauvais sort. Aujourd’hui encore, leur connotation est rarement neutre. En Allemagne, l’adage dit que si une chouette hulule au moment de la naissance d’un enfant, celui-ci mènera une vie malheureuse. Une curieuse croyance mongole veut que ces oiseaux pénètrent dans les maisons la nuit pour dérober les ongles des humains ! Au Cameroun, la chouette est trop maléfique pour qu’on lui ait donné un véritable nom. Elle est simplement appelée « l’oiseau qui fait peur ». Celui qui, aux États-Unis, entend un hululement doit y répondre ou enlever un vêtement avant de le remettre… à l’envers.

Ces superstitions qui ont la vie dure

Pour mieux comprendre les comportements et les croyances liées aux chouettes et aux hiboux, les professeur·e·s Alexandre Roulin (Faculté de biologie et de médecine) et Christine Mohr (Faculté des sciences sociales et politiques), ont lancé une étude à très grande échelle. Un des buts consiste à identifier si les représentations de ces volatiles, qu’elles soient positives ou négatives, varient selon les pays. Mais pas seulement. « Au-delà des différences culturelles et géographiques, nous souhaitons savoir si le fait d’être superstitieux s’explique en fonction de l’âge, du genre ainsi que de facteurs psychologiques individuels comme les croyances paranormales et les traits de personnalité », indique Christine Mohr, professeure au Laboratoire d'étude des processus de régulation cognitive et affective (CARLA).

« Pour protéger la nature, il est nécessaire de comprendre quels facteurs constituent un frein à sa conservation. Or les biologistes négligent souvent les aspects sociologiques et psychologiques », complète Alexandre Roulin, professeur au Département d’écologie et évolution (DEE), spécialiste des chouettes depuis près de trente ans.

Mais comment changer les attitudes et croyances négatives, souvent très ancrées ? Les chercheurs voudraient mettre sur pied des actions de prévention ciblées, auprès de communautés où les chouettes et les hiboux sont particulièrement craints, haïs, voire tués. « Pour mieux préserver ces rapaces et assurer leur survie, nous devons montrer qu’ils sont utiles », souligne Alexandre Roulin. Un exercice auquel l’ornithologue s’est déjà livré dans le cadre de son projet « Chouette pour la paix ». Grâce à une campagne de sensibilisation menée dans la plaine du Jourdain, région à cheval entre Israël, la Cisjordanie et la Jordanie, les agriculteurs favorisent et utilisent désormais des chouettes pour réguler les populations de rongeurs. Ceci a non seulement permis de réduire drastiquement l’utilisation de produits chimiques, mais aussi de faire dialoguer des populations en conflit.

Chouettes et hiboux : qu’en pensez-vous ?

Une phase initiale de l’étude, menée en anglais dans les pays anglo-saxons, en Inde et dans plusieurs états d’Afrique (Zimbabwe, Nigeria et Kenya), a permis de dégager des premières tendances. « En Afrique, les superstitions sont très marquées, plus qu’en Inde, et certainement plus que dans les pays anglo-saxons. Qu’importe l’origine des participants, nous constatons que les individus qui se considèrent généralement vite angoissés, se jugent spirituels, et qui sont plus jeunes, ont une perception davantage négative des rapaces », relate Christine Mohr.

Afin d’élargir la recherche, le questionnaire en ligne est désormais traduit en près de 35 langues. Actuellement, quelque 10'000 personnes dans plus de 50 pays y ont déjà pris part.

>>> Participer à l’étude (environ 5 minutes)

 

Publié du 21 décembre 2020 au 29 janvier 2021
par Mélanie Affentranger (Communication FBM)
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