Olivier Fillieule (CRAPUL-IEP) et Fabien Jobard (CNRS) publient aux éditions du Seuil un ouvrage qui montre comment le maintien de l’ordre en France s’est progressivement militarisé et brutalisé, pour déboucher sur de nouvelles "politiques du désordre".
Comment penser la multiplication des violences policières en même temps que l’augmentation des protestations ? Olivier Fillieule et Fabien Jobard, deux éminents sociologues des mouvements contestataires et de leur gestion par l’Etat, analysent l’évolution récente du maintien de l’ordre en France et sa brutalisation. Ce livre est le fruit de trente années de travail de terrain (dans les manifestations) et d’enquête empirique (analyse documentaire et entretiens). Dans cet ouvrage, les auteurs ont voulu raccrocher les récentes violences de la répression contre les « gilets jaunes » dans un environnement politique plus large, celui de l’interaction entre l’État (par la police) et les manifestant·es.
L’évolution des mouvements sociaux et des manifestations vers « l’émeute » est un phénomène récent. Après mai 68, un accord tacite entre État et manifestant·es existait. Manifester permettait de visibiliser des désaccords auprès des élu·es pendant l’exercice de leurs mandats. Or, depuis les années 2000, les auteurs observent non seulement une multiplication des modes d’actions contestataires, mais aussi une rupture de lien qui unissait les deux camps.
La « manifestation » ne suffit plus à l’étude des mouvements sociaux. En effet, de nouveaux « types » d’actions apparaissent et configurent les interdépendances des différent·es acteurs et actrices. Par exemple, dans le cadre du mouvement des « gilets jaunes », l’occupation des ronds-points fait émerger une nouvelle modalité de l’action protestataire. Celle-ci a ensuite un impact sur les formes de répression des forces de l’ordre. Le risque sous-jacent de ce processus peut impliquer une escalade de violence dans les relations entre police et manifestant·es. Pour casser cette spirale, la plupart des démocraties européennes ont opté dès les années 2010 un nouveau paradigme de maintien de l’ordre : la désescalade. La France ne l’a pas fait. Selon les auteurs, le mouvement des « gilets jaunes » n’est donc pas la cause de l’évolution du maintien de l’ordre et des violences mais son révélateur.
Plus que jamais d’actualité, Politiques du désordre permet d’analyser comment la manifestation en vient à n’être plus perçue comme une expression politique mais comme un désordre. Celui-ci aboutit à la lente brutalisation du maintien de l’ordre en France métropolitaine. Pour en saisir les tenants et aboutissants, l’Institut des études politiques vous encourage à découvrir ce nouvel ouvrage.
Antoine Lehmann, Assistant-étudiant, Institut d'études politiques