Un jury de l’UNIL et de l’EPFL a décerné des prix à trois projets axés sur la durabilité, réalisés par des étudiantes et étudiants des deux institutions.
Quentin Arnoux (Université de Lausanne), Tijana Ivanović (École polytechnique fédérale de Lausanne) et le duo formé par Johann Recordon et Anouchka Bagnoud (UNIL), ont vu leurs travaux de recherche récompensés dans le cadre de l’édition 2020 du concours Durabilis UNIL-EPFL, organisé par les deux institutions depuis 2007. La remise des prix a eu lieu sur Zoom le 26 novembre.
Le concours est ouvert à tous les étudiants de Bachelor et de Master, immatriculés à l’UNIL ou à l’EPFL. Les travaux primés, effectués en solo ou en groupe dans le cadre des études, intègrent dans leur approche les dimensions du développement durable, à savoir l’environnement, la société et l’économie.
Le Prix Durabilis est soutenu par la Direction de l’UNIL et la Vice-présidence pour les affaires académiques de l’EPFL. Les lauréats auteurs d’un mémoire ou d’un projet de Master reçoivent 1000 francs par personne, et les auteurs d’autres travaux niveau Bachelor ou Master, 500 francs par personne.
Quentin Arnoux (UNIL), à l’écoute de l’Anthropocène
Le titulaire d’un Master en fondements et pratiques de la durabilité s’est penché sur les processus et événements acoustiques propres à l’Anthropocène. La recherche scientifique, plus précisément la bioacoustique et l’écoacoustique, utilise les paysages sonores comme des boussoles auditives. Les changements climatiques s’accompagnent de diverses mutations acoustiques liées au dérèglement des saisons et aux phénomènes météorologiques extrêmes, par exemple les sons produits par des éboulements rocheux ou le fracas d’un glacier qui fond. La chute de la biodiversité prend la forme d’une mise au silence de la nature, des cris d’animaux et autres chants d’oiseaux. « Mon travail de mémoire est accompagné d’une douzaine de pistes audio servant d’illustrations sonores. J’ai enregistré plusieurs « paysages sonores » ou « événements acoustiques » en Suisse romande pour illustrer mes propos par le son », précise l’ancien étudiant.
Quentin Arnoux estime que l’être humain a adopté au fil du temps une posture de soliste n’accordant qu’une brève attention à ce qui l’entoure, peu inquiet de son volume sonore. Il propose dans son mémoire, en cours de publication, une « éthique de l’écoute ». Le but étant qu’Homo sapiens (re)prenne conscience de son appartenance à une communauté acoustique, le grand orchestre de la biosphère.
Le diplômé termine fin novembre un stage de neuf mois en éducation et sensibilisation à l’environnement chez Pro Natura Genève. « J’ai pu mettre en action auprès des enfants les exercices d’écoute développés dans le cadre de mon mémoire », relève Quentin Arnoux. Il a également cofondé la boîte de productions audiovisuelles Mousqueterre, proposant des sujets sur le thème de la durabilité.
Tijana Ivanović (EPFL) a étudié les alternatives au polyester
L’industrie textile est gourmande en ressources fossiles et en eau, et émet des quantités colossales de gaz à effet de serre, tout au long de la chaîne d’approvisionnement. C’est aussi le cas des très utilisées fibres synthétiques de polyester, un dérivé du pétrole. Pour son travail de Master en sciences et ingénierie de l’environnement, Tijana Ivanović s’est demandé si les trois alternatives dites « biosourcées » au polyester (bio-polyester, PTT et PLA), provenant à 100% ou en partie des cultures de canne à sucre et de maïs (le reste étant d’origine pétrolière), présenteraient une meilleure empreinte environnementale globale que les fibres de polyester : dans son calcul, sont incluses l’empreinte climatique, l’acidification des sols, l’eutrophisation, la toxicité pour la santé humaine, etc. La scientifique, après avoir évalué le cycle de vie de ces fibres alternatives, en conclut que ces dernières ne sont pas plus eco-friendly que le polyester, car elles proviennent d’une agriculture basée sur une forte consommation d’eau, de terres, de pesticides, et contribuent à l’acidification des sols. « Pour modifier une production existante, comme celle du polyester, il faut choisir une alternative efficiente, et non celle qui sonne mieux car bio-sourcée », conclut la chercheuse.
Tijana Ivanović se réjouit de retrouver en décembre 2020 ses collègues au Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche du domaine des Écoles polytechniques fédérales, où elle avait réalisé son projet de Master. Elle travaillera sur la modélisation de l’utilisation des plastiques médicaux dans les hôpitaux. Au quotidien, l’ex-étudiante tend à un mode de vie le plus écologique possible, et qui fasse aussi du bien à la santé et à l’esprit. « Dire d’un lifestyle qu’il est durable est devenu quelque chose de chic... ma grand-mère appellerait cela « être raisonnable ». Ne pas gaspiller la nourriture, réparer plutôt que jeter les objets, ou encore préférer les marchés de producteurs aux grandes surfaces. »
Anouchka Bagnoud et Johann Recordon (UNIL), au cœur de la révolution bio du Sikkim
Dans le cadre de leur cours « Anthropologie et idée de nature », les deux étudiants en troisième semestre de Master en fondements et pratiques de la durabilité ont choisi le cas du Sikkim, un État indien fertile au pied de l’Himalaya. Depuis 2016, son agriculture est entièrement biologique, et depuis 2017, tout abattage de vache y est condamné, entre autres mesures. Anouchka Bagnoud et Johann Recordon ont avancé des pistes pour expliquer cette transition unique au monde, à la fois écologique et spirituelle. Il leur paraît essentiel que l’Occident, qui considère la nature comme une entité externe à l’humanité, aille « puiser dans ces territoires pionniers » une inspiration et qu’il s’efforce de créer avec ces derniers un véritable partage de connaissances, afin de repenser la manière dont l’humain se perçoit au sein du monde.
« J’ai passé un mois au Sikkim en décembre 2016, raconte Johann Recordon. D’abord, dans le cadre des funérailles d’un des principaux maîtres du bouddhisme tibétain de la région, Yangthang Rinpoche, puis en pèlerinage dans les différents lieux sacrés. C’est à cette occasion que j’ai pris conscience du caractère unique de la région. Cela m’a inspiré le sujet de ce travail, que j’ai proposé à Anouchka. » Cette dernière, suite à cette recherche, souhaiterait s’y rendre quand cela sera possible.
Anouchka Bagnoud s’investit à côté de ses études dans une association soignant et relâchant les hérissons communs. Permacultrice dans l’âme, elle jardine chez elle et désirerait le faire à une plus grande échelle. « Je souhaite montrer qu’il est possible d’exporter le modèle de la permaculture chez les agriculteurs. C’est le sujet de mon travail de Master. » Son collègue travaille en tant que collaborateur de recherche au Centre interdisciplinaire de durabilité à l’UNIL, depuis juin 2020. Son mémoire porte sur la durabilité forte dans les plans climat.