L’incidence des cancers du col de l’utérus diminue régulièrement depuis une trentaine d’années. Malgré le dépistage cytologique (PAP test), ce type de cancer n’est pas rare en Suisse. Ainsi, environ 250 cancers du col de l’utérus sont diagnostiqués en Suisse chaque année et malheureusement 80 décès sont constatés. Ces cancers surviennent la plupart du temps chez les jeunes femmes. En Suisse, la moyenne d’âge se situe entre 35 et 50 ans, et près de 40% des cancers du col de l’utérus surviennent chez la femme en âge de procréer. L’incidence au cours de la grossesse est très rare et est estimée à 2 voire 4 cas pour 10’000 grossesses.
L'équipe du Centre de Tumeurs Gynécologiques du CHUV a décrit dans la prestigieuse revue The Lancet la prise en charge d’une femme atteinte d'un cancer du col de l’utérus diagnostiqué à la 18eme semaine de grossesse et qui a été soignée au CHUV par chimiothérapie.
Le Prof Mathevet, Chef du Service de gynécologie du CHUV, explique le cas :
« La patiente s'est présentée au service des urgences de notre hôpital en 2011 avec des antécédents de saignements vaginaux. Une masse cervicale a été détecté à l’examen gynécologique ainsi qu’un utérus de taille augmenté compatible avec 18 semaines de gestation. Nous avons décidé de faire une échographie pour mieux définir la masse et l’utérus : cet examen a confirmé une tumeur cervicale et une grossesse intra-utérine compatible avec 18 semaines de gestation. L’imagerie par IRM et la biopsie ont confirmé une tumeur localement avancée sans invasion ganglionnaire lymphatique. La patiente a exprimé le désir de maintenir sa grossesse, sa deuxième. Nous avons donc évalué les éléments clefs du dossier de façon multidisciplinaire. L’utilisation de la chimiothérapie néo adjuvante comme « pont » jusqu'à la fin de la grossesse a été retenue et acceptée par la patiente. Ainsi, la patiente a bénéficié de 4 cycles de chimiothérapie. L’imagerie par IRM après les 2ème et 4ème cycles ont montré que la maladie était stable.
À 34 semaines de gestation, notre patiente a subi une césarienne (avec maturation des poumons du fœtus au préalable) et a accouché d’une petite fille pesant 2’100g, en bonne santé. Le traitement a été complété par une chimio-radiothérapie et curiethérapie (rayonnement délivré par des aiguilles radioactives insérées dans la tumeur). Les études d’imagerie 3 mois après le traitement ont montré une réponse tumorale complète. 7 ans plus tard, la patiente est en rémission complète sans effets secondaires chroniques. Son enfant s'est développé normalement et est aussi en bonne santé ».
« Les décisions concernant le choix du meilleur traitement du cancer chez une femme enceinte sont souvent difficiles car elles relèvent parfois d'un conflit entre le bien-être de la mère - en lui offrant les mêmes chances de guérison que si elle n'était pas enceinte - et celui du fœtus en préservant la grossesse. Les données sur les effets de l'exposition des fœtus ou des nouveau-nés à la chimiothérapie sont rares », explique-la Dresse Herrera, Médecin associé du Service de radio-oncologie.
Il s’agit évidemment de poursuivre les travaux de recherche dans ce domaine. Cependant, les progrès déjà accomplis permettent aujourd’hui de ne plus considérer le cancer pendant la grossesse comme une fatalité, ce qui est très encourageant et prometteur.