Le prometteur effet « FLASH ».
La radiothérapie reste l’un des piliers de la lutte contre le cancer. Et le domaine innove. La preuve avec la thérapie « FLASH », une technique au grand potentiel, dans la laquelle Lausanne joue un rôle central. Jean Bourhis, professeur ordinaire de l’UNIL et chef du Service de radio-oncologie du CHUV, évoque cette nouvelle arme dans la panoplie des oncologues, que son équipe a largement contribué à mettre en place.
Qu’est-ce que l’effet FLASH ?
C’est un phénomène biologique, qui a d’abord été observé dans les années 60 et 70. On a constaté qu’une irradiation très intense, quasi instantanée – on parle d’une centaine de millisecondes versus plusieurs minutes dans une radiothérapie classique – avait un effet protecteur sur les tissus sains. Cela a donné lieu à plusieurs publications à l’époque, jusqu’au début des années 80. Mais on ne savait alors pas trop qu’en faire, et cela a été un peu oublié. Jusqu’à ce qu’en 2014, notre équipe de recherche, pilotée par la professeure Marie-Catherine Vozenin, redécouvre cet effet chez les souris, mais surtout – c’est là la grande nouveauté par rapport aux recherches précédentes – mette en évidence que l’effet protecteur ne concernait pas les tumeurs. Cet effet FLASH permet donc d’exposer ces dernières à de fortes doses de rayonnement, tout en ménageant les tissus sains. C’est capital, puisque les effets collatéraux sur les tissus qui environnent la tumeur sont la principale limitation de la radiothérapie.
On parle donc d’une irradiation plus intense, mais avec moins d’effets secondaires ?
Exactement et c’est terriblement contre-intuitif, il faut en convenir ! Pourtant, l’effet a été largement démontré : c’est un phénomène reproductible, que nous avons observé dans plusieurs modèles animaux, souris, cochons et poissons-zèbres, et aussi chez des chats patients, c’est-à-dire des chats avec des tumeurs spontanées. La problématique principale actuellement est de transférer chez nos patients cette découverte hors du commun.
La thérapie FLASH a-t-elle déjà été utilisée chez l’humain ?
Notre premier prototype, celui utilisé dans nos recherches précliniques, ne peut traiter une tumeur qu’à une profondeur d’1,5 cm. Nous avons effectué avec cette machine la première intervention chez l’homme en 2018 : il s’agissait d’un traitement à visée compassionnelle pour une tumeur superficielle de la peau, multi-résistante, qui a disparu avec un minimum d’effets secondaires. Cette expérience a été capitale, elle nous a permis de valider notre approche : on a pu voir que c’était à la fois faisable et sûr. Nous passons aujourd’hui à la vitesse supérieure : nous avons reçu un nouveau prototype clinique en juin 2020, installé au CHUV par la société californienne IntraOp, qui a choisi notre hôpital pour cette première ! Ce prototype nous permettra d’aller un peu plus en profondeur, jusqu’à 3 cm, et de mettre en œuvre le transfert clinique de l’effet FLASH pour les tumeurs cutanées, notamment à travers un essai clinique randomisé. Nous devrions commencer fin 2020.
Une seconde machine est également prévue…
Tout à fait. Dans ce cas, il s’agira d’effectuer des radiothérapies en cours d’intervention chirurgicale consistant à s’attaquer aux parties d’une tumeur que le chirurgien n’a pas pu enlever, comme une infiltration au niveau d’un gros vaisseau ou d’un nerf. Dans cette indication, dont la mise en œuvre est prévue en 2021, nous utiliserons un second prototype capable également d’atteindre une profondeur de 3 cm. Mais nous ne comptons pas nous arrêter là : nous avons un ambitieux projet avec le CERN pour le développement d’une machine capable d’aller plus en profondeur, jusqu’à 15 cm. Nous visons 2023 pour ce troisième prototype, qui devrait être capable de traiter tous les cancers avec la thérapie FLASH.
Vous êtes très actifs !
Le CHUV est pour l’instant sur le haut de la vague dans ce domaine très dynamique et compétitif. En parallèle, dans une veine plus fondamentale, l’équipe de Marie-Catherine Vozenin cherche à comprendre le pourquoi de l’effet FLASH : nous avons été très pragmatiques dans ce dossier, et si nous avons déjà une idée du mécanisme à l’œuvre, ce sont encore des hypothèses à ce stade.
Conférence publique, 16 septembre 2020 à 18h00, auditoire Paternot, Agora
« La radiothérapie, des progrès sans précédent pour le patient »
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