Depuis le 24 février 2020, Alain Eloka est docteur en science politique. Il a obtenu son grade après avoir défendu sa thèse sur la mise en œuvre des instruments de lutte contre la corruption, avec une approche comparative originale.
«J’avais une volonté de continuité avec mon parcours tout en y mettant de la diversité», résume Alain Eloka pour décrire ses cinq années de recherche qui ont abouti le 24 février dernier à l’obtention de sa thèse, intitulée « La "lutte contre la corruption" au prisme de contextes nationaux. Etude comparative du Botswana, du Cameroun, de Singapour et de la Suisse».
Né au Cameroun, Alain Eloka a passé son adolescence à Zurich. Il a suivi un Bachelor en science politique à l’Université de Lausanne (2009-2012) avant d’effectuer son Master en Affaires politiques et internationales à Sciences Po Bordeaux (France), une institution qui propose des filières spécifiques en études africaines. En 2014, il revient à Lausanne, engagé comme assistant diplômé au Laboratoire d’analyse de la gouvernance et de l’action publique en Europe (Lagape) où il entamera sa thèse, en cotutelle avec Sciences Po Bordeaux.
Une approche comparative avant tout
«Compte tenu des orientations de recherches de mon laboratoire d’affiliation à l’Unil, il me fallait avant tout travailler sur les questions de gouvernance», raconte Alain Eloka. Toutefois, il avait à cœur d’adopter une démarche comparative, un moyen pour lui de faire la synthèse entre son Bachelor et son Master, entre son appartenance à la Suisse et ses origines africaines. «Cela me permettait de me reconnecter à l’Afrique de façon intellectuelle, mais je ne voulais pas m’intéresser qu’à l’Afrique ou qu’à la Suisse. Je n’aime pas me fermer dans un couloir, sur une seule chose. J’aime faire des aller-retours, c’est ça mon côté comparatiste.»
Toutefois, cette approche n’allait pas forcément de soi dans le domaine de la gouvernance et Alain Eloka a dû s’affirmer pour la pratiquer. «Mes directeurs ne voyaient pas forcément l’intérêt de cette comparaison-là. Les pays leur semblaient trop “incomparables”, mais c’était justement ça, mon moteur. C’est ce qui m’a permis de ne jamais m’ennuyer durant les cinq ans de la thèse! Mais malgré leur scepticisme initial, mes directeurs voyaient dans cette comparaison originale l’intérêt d’apprendre des choses. La manière dont je les ai embarqués sur des sentiers inconnus a attisé leur curiosité. La comparaison, ça nous amène à être curieux de ce qu’on ne connaît pas ; et même de ce qu’on connait déjà, mais autrement».
Son sujet de thèse lui est inspiré par un scandale de corruption au Secrétariat d’état suisse à l’économie (SECO) en 2014. Une telle affaire rappelle qu’il s’agit là d’un enjeu d’actualité dans tous les pays, et qui se prête donc bien à la comparaison. Alain Eloka y a vu l’occasion de mettre face à face ses connaissances de la Suisse et du Cameroun, dans le cadre d’une thèse en cotutelle avec Bordeaux. En même temps, ses directeurs de thèse (Dietmar Braun pour l’Unil et Dominique Darbon pour Bordeaux) lui ont conseillé de s’intéresser à davantage de pays pour y mettre plus de consistance. C’est pourquoi son étude englobe finalement aussi le Botswana et Singapour, deux pays qu’il ne connaissait que de nom au départ.
Sur le fond, le jeune chercheur insiste sur le fait que son étude ne se concentre pas tant sur la corruption comme fait social, mais sur la façon dont les instruments préconisés pour la combattre sont compris et interprétés par les acteurs sociaux et leurs institutions nationales, et de quelles manières ces interprétations orientent les pratiques concrètes de «lutte contre la corruption» dans différents pays, de quelles manières elles s’articulent avec des agendas locaux bien particuliers.
Concernant l’avenir, Alain Eloka ne fait pas de la carrière académique une obsession, même s’il ne l’exclut pas totalement. Il envisage même de sortir du monde universitaire, pour viser rapidement une stabilité professionnelle. «Pour se lancer dans une carrière académique de nos jours, il faut accepter une forme de précarité à durée indéterminée après la thèse. Mais moi, j’ai maintenant une famille et je ne me sens plus prêt à accepter cette précarité sans lendemains certains.»