Raphaël Marlétaz mène cette recherche doctorale en droit au sein de l’Ecole de droit de la FDCA de l'Université de Lausanne.
C’est lors d’un colloque consacré à la pauvreté en Suisse, où des expert·e·s, issus de la pratique comme de la recherche, exposent leurs expériences et leurs problématiques, que Raphaël Marlétaz constate les grandes disparités cantonales dans l’aide sociale. Les habitant·e·s de Suisse n’ont pas tous accès aux mêmes prestations sociales selon leur lieu de domicile. Ces prestations jouent pourtant un rôle majeur dans la lutte contre la pauvreté. Et, la pauvreté a un impact conséquent sur la jouissance des droits humains.
Les droits humains font l’objet de conventions internationales ratifiées par la Suisse et les lois cantonales ne sont donc pas forcément conformes aux standards internationaux auxquels la Suisse a accepté d’être liée. On se trouve ainsi au cœur du sujet de Raphaël Marlétaz, est-ce que les garanties internationales des droits humains exigent une harmonisation des droits cantonaux de l’aide sociale ? Sa recherche vise à démontrer par une analyse de la protection internationale des droits humains l’obligation de la Suisse d’harmoniser ses lois cantonales d’aide sociale au sens large tout en respectant l’autonomie des cantons.
Raphaël Marlétaz a d’abord entrepris une analyse des systèmes cantonaux pour les quatre prestations qui ont le plus d’effets sur la prévention de la pauvreté ; à savoir les prestations complémentaires pour famille, l’avance sur contribution d’entretien et les bourses d’études qui sont des prestations sous conditions de ressources et l’aide sociale au sens strict comme dernière prestation que l’on peut toucher. Cette analyse a mis en évidence des disparités dans la mise en œuvre des droits humains des particuliers en Suisse. Il a ensuite démontré une obligation d’harmonisation pour certains éléments essentiels des différentes lois cantonales précitées. Il propose par exemple que les cantons qui n’accordent pas de prestations familles les prévoient au moins dans leur principe, que le délai de carence des avances sur contribution d’entretien soit abandonné, que tous les cantons ratifient le concordat de 2013 en matière de bourses d’études ou que le montant versé pour l’aide sociale soit indexé au coût de la vie et au moins égal à la couverture statistique des besoins vitaux.
Une des solutions envisagées par Raphaël Marlétaz pour que la Confédération puisse s’acquitter de ses obligations est d’admettre la possibilité pour les particuliers de les invoquer devant les tribunaux. C’est un des moyens efficaces pour permettre au droit international de déployer ses effets dans l’ensemble des cantons. Lorsqu’un contrôle des tribunaux et en particulier celui du Tribunal fédéral est admis, l’obligation d’harmonisation des droits cantonaux peut être mise en œuvre.
Au cours de sa recherche, Raphaël Marlétaz a eu la chance de participer au groupe de travail pour la rédaction du rapport alternatif sur la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels en Suisse examiné par le Comité DESC des Nations Unies en automne 2019. Dans ce cadre, il aussi pu assister à l’audition de l’Etat par ce comité. Ces contacts précieux avec des expertes et experts en matière d’aide sociale et des droits humains de toute la Suisse lui ont permis de construire des propositions pertinentes et en lien avec les préoccupations de la société civile et du Comité DESC.
Raphaël Marlétaz conduit cette recherche doctorale sous la direction de la professeure Evelyne Schmid. Il soutient publiquement sa thèse le 7 septembre 2020.