Doyen de la Faculté de biologie et de médecine, Jean-Daniel Tissot codirige un livre consacré au don du sang. Ce texte, qui s’adresse à tous les publics, mêle témoignages et contributions de chercheurs.
«Nous pouvons faire quelque chose de vital par un geste banal». C’est ainsi que François, informaticien de 43 ans, qualifie sa pratique de donneur de sang dans un ouvrage dirigé par les médecins hématologues Jean-Daniel Tissot (professeur à la Faculté de biologie et de médecine) et Philippe Schneider (ancien médecin chef du Service vaudois de transfusion sanguine). Le livre, paru le 23 juillet, s’attache justement à démontrer que les choses ne sont pas si simples.
Dans la première partie, 17 donneurs romands racontent leur expérience. Certains d’entre eux dépassent allégrement la centaine de pochettes au fil des ans, ce qui représente 45 litres de liquide rouge (et 20 grammes de fer). Ils qualifient bien souvent leur engagement d’évident ou de naturel. La plupart de ces personnes met l’accent sur l’importance de l’accueil au don du sang et s’oppose parfois fermement à toute rétribution des donateurs, qui doivent de plus rester anonymes selon eux.
Don et dette
Une série de contributions de chercheurs de tous domaines suit ces portraits. Dans la première d’entre elles, l’ethnologue et professeur Richard Pottier rebondit sur les témoignages en relevant que, contrairement à ce que disent les donateurs, leur acte n’a rien de banal. Par exemple, l’anonymat empêche les receveurs de remercier les personnes qui ont offert leur sang. Mais l’une des personnes interrogées aimerait que les receveurs «aient conscience d’avoir été soignés grâce à un don et que cela les incite à faire quelque chose de bien de leur vie», ce qui implique une forme de déplacement de la dette.
Prenant un peu de hauteur, et convoquant le célèbre anthropologue Marcel Mauss, Richard Pottier indique que «le don constitue en effet, dans toutes les sociétés connues, la manière la plus simple et la plus constante de créer et d’entretenir des liens sociaux. Il existe (ou plutôt il a existé) des sociétés qui ignorent (ou qui ignoraient) le commerce, mais une société qui ignorerait la pratique du don est proprement impensable.»
Ouvrage accessible
Dans une autre contribution tout à fait passionnante, David Hamidović (professeur à la Faculté de théologie et de sciences des religions) nous plonge dans le monde antique pour traiter de la symbolique du sang. Les cultures grecques et romaines utilisaient les sacrifices sanglants comme moyen de communiquer avec le divin, au contraire des monothéismes qui bannissent ces pratiques au profit d’une relation plus personnelle avec Dieu.
De nombreuses autres contributions (d’un psychiatre, d’une étudiante en médecine, d’une infirmière, d’un éthicien, de juristes et de médecins notamment) enrichissent cet ouvrage très accessible. Une lecture qui donne l’occasion de méditer sur un geste qui prend dix minutes en position couchée, une aiguille dans le bras.
Le don dans le sang. Témoignages et analyses. Ouvrage collectif dirigé par Jean-Daniel Tissot et Philippe Schneider. Favre (2020), 302 p.