La revue Revue Espaces et Sociétés, partenaire de l'OUVDD, lance un appel à articles "Écologie d’abondance, écologie populaire : relire les espaces périurbains"
Revue Espaces et sociétés
Appel à articles pour le dossier thématique
« Écologie d’abondance, écologie populaire : relire les espaces périurbains »
Coordonné par Laurence Costes et Philippe Hamman
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Ces dernières années ont vu se développer un certain nombre de politiques environnementales à l’échelle urbaine : énergie, logement, transports, nature en ville, déchets, etc. Les habitants sont directement interpellés à travers leurs gestes courants et leurs modes de vie et d’habiter. Diverses initiatives dites éco-citoyennes ont émergé autour du bâti, de l’aménagement d’espaces collectifs, des modes de mobilité (co-voiturage, pistes cyclables…), ainsi que des pratiques quotidiennes qualifiées d’« éco-gestes » (tri des déchets, recueil des eaux de pluie, jardins potagers et autoconsommation…). Les sciences sociales font néanmoins état d’une capacité de mobilisation inégale entre les groupes sociaux, tendant à mettre en avant une « écologie de l’abondance » stigmatisant, en revers, les classes populaires et leurs rapports aux questions environnementales.
Ce dossier souhaite renouveler les débats autour de deux objets de controverses : la « durabilité » et les inégalités écologiques, d’une part, les espaces périurbains, d’autre part. S’ils ont été abordés ces dernières années dans la revue Espaces et sociétés, il s’agit de les repenser ensemble, en des lieux où les classes moyennes et populaires apparaissent spécialement diverses et hétérogènes.
L’augmentation des prix du foncier et de l’immobilier dans les grands centres urbains, accélérée par des processus de « verdissement » sélectifs socialement (éco-quartiers…), a participé au départ d’une partie des classes moyennes et modestes (Charmes, Launay, Vermeersch, 2019). En dépit des contraintes de mobilité liées à l’éloignement des centres et d’équipements urbains – comme l’a révélé le mouvement des « gilets jaunes » en France et ses revendications contre les inégalités –, leurs préoccupations écologiques ne sont pas inexistantes.
En effet, la « durabilité », en lien avec l’affirmation de la qualité et du cadre de vie, s’insère par petites touches dans les couronnes des pôles urbains, plus accessibles aux catégories sociales moins aisées. Ce tiers-espace à la jonction de l’urbain et du rural, fruit du processus de desserrement des villes, est qualifié tantôt de périurbain (Bourdin, 2012), de para-urbain (Chalard, Dumont, 2007) ou encore de pré-urbain (Marchal, Stébé, 2017). Cette extension du tissu urbain en périphérie a été très vite assimilée à un étalement « insoutenable », un « sprawl » à l’américaine avec un paysage monofonctionnel dominé par des centres commerciaux ou de l’habitat individuel associé au repli sur soi. Cependant, ces espaces ont largement évolué : les transformations liées aux récentes orientations d’aménagement des politiques publiques à l’échelle métropolitaine (lois MAPTAM, NOTRe…), leurs conséquences sur les zones d’emploi, les mobilités, les mutations des modes de vie et la croissance des revendications citoyennes ont modifié la composition de la population résidant en périurbain. On y repère une plus grande diversification sociale, non réductible à une catégorie homogène de « classe moyenne ». Cela s’accompagne d’une diversité de pratiques des habitants autour de l’habitat, de leur mobilité, de leurs sociabilités associatives et municipales, de leurs aspirations fortes à un ancrage local (Cary, Fol, 2016 ; Berroir et al., 2017), voire à des exigences écologiques (Mancébo, 2014). Traduisant des dynamiques sociales et urbaines qui peuvent être de déclassement comme de promotion sociale (Authier, 2015), ces espaces en évolution et moins denses que les centres urbains deviennent un terreau propice aux expressions et capacités d’inventivité face aux enjeux environnementaux.
Ce dossier vise à identifier et questionner dans les espaces périurbains cette diffusion du « développement durable » moins médiatisée, sous ses formes variées. Comment les habitants de ces espaces, à titre individuel ou collectif, intègrent-ils ou non ces préoccupations (voire injonctions) écologiques, pour en tirer un bénéfice personnel ou une « bonne conscience », ou au contraire essaimer des démarches conjointes (co-voiturage par alternance, phénomène de densification BIMBY [Built In My BackYard], sociabilités de jardinage entre voisins…) ? Dans quelle mesure se distinguent-ils des initiatives des pouvoirs publics locaux et/ou des acteurs économiques (les hypermarchés, les promoteurs immobiliers…) autour de la question écologique ?
Deux approches sont particulièrement encouragées :
- Si la question écologique n’est pas vécue uniformément par les populations qui composent ces espaces, elle n’est pas non plus appréhendée de façon identique. La palette des pratiques écologiques donne à voir une diversité des profils des habitants et renvoie à des enjeux de stratification sociale. Des logiques spatialisées de « distinction », au sens de Pierre Bourdieu, c’est-à-dire révélant des pratiques propres à des groupes sociaux (Ripoll, 2013), peuvent apparaître, voire se creuser, sur la base de l’investissement dans l’« éco-conscience » ou à travers la représentation du « bon citoyen » ou celui, à l’inverse, qu’il conviendrait d’« éduquer au développement durable ». Ceci interroge également la façon dont les inégalités dans l’accès aux potentiels environnementaux (ressources et aménités) ou dans l’exposition aux nuisances ou aux risques (proximité d’installations industrielles, pratiques d’épandage de boues d’assainissement, etc.) se combinent à des inégalités sociales, en examinant où et quand elles se renforcent mutuellement ou bien se neutralisent. Il s’agira donc d’aborder les inégalités sociales face à la question écologique à l’échelle des espaces périurbains : identifie-t-on des pratiques écologiques d’« abondance » (« maison passive » de standing…) qui reposent sur des prédispositions économiques, ou une écologie « populaire » plus contrainte dans ses démarches et qui pose la question des moyens de telles pratiques ? Que révèlent les éventuelles tensions qui peuvent apparaître entre ces deux approches écologiques ?
- Les trajectoires de conversion écologique qui prennent forme dans les espaces périurbains questionnent également l’évolution de ces derniers. Des projets environnementaux innovants s’y développent à travers le logement et le bâti (habitats participatifs hors des seuls éco-quartiers, coopératives énergétiques locales) ou encore les modes de vie (à l’exemple de la lutte contre le gaspillage, de pratiques « végé », etc.). Comment ces initiatives écologiques participent-elles à l’affirmation par les populations d’une volonté d’appropriation locale et plus largement à la recomposition de ces espaces ? Peuvent-elles contribuer à construire une identité propre ?Comment se jouent les rapports à la « nature », dont la proximité peut être un motif d’installation en périurbain, mais où apparaît, entre différents groupes sociaux, une série de contradictions entre une nature maîtrisée et/ou spontanée ?
La problématique de ce dossier ne se limite pas au seul cas français. Elle est ouverte aux travaux sur les espaces intermédiaires urbain-rural centrés sur d’autres pays. Afin de favoriser des perspectives croisées, parfois esquissées autour des mises en catégories, des recherches comparatives sont les bienvenues, qu’elles soient locales, nationales, européennes ou internationales.
Références
AUTHIER Jean-Yves, 2015, « Le périurbain, objet sociologique », in : Sophie Bouffier, Claude-Isabelle Brelot, Denis Menjot (coord.), Aux marges de la ville. Paysages, sociétés, représentations, Paris, L’Harmattan, p. 33-36.
BERROIR Sandrine, DELAGE Matthieu, FLEURY Antoine, FOL Sylvie, GUÉROIS Marianne, MAULAT Juliette, RAAD Lina, VALLÉE Julie et VIANA Cerqueira Eugênia, 2017, « Petites villes périurbaines et ancrage local des habitants. Les cas de Méru et Senlis dans l’Oise », Espaces et sociétés, n° 168-169, p. 69-88.
BOURDIN Alain, 2012, « Le périurbain, maudit ou sauvé ? », Espaces et sociétés, n° 148-149, p. 195-
199.
CARY Paul et FOL Sylvie, 2016, « Du périurbain stigmatisé au périurbain valorisé ? », Géographie,
Économie, Société, vol. 18, n° 1, p. 5-13.
CHALARD Laurent et DUMONT Gérard-François, 2007, « Territoires français : le renforcement de la “para-urbanisation” et de la “litturbanisation” », Population & Avenir, n° 682, p. 14-16.
CHARMES Éric, LAUNAY Lydie et VERMEERSCH Stéphanie, 2019, Habiter Paris. Les classes
moyennes entre périphéries et centres, Paris, Créaphis.
MANCÉBO François, 2014, « Périurbanisation et durabilité : inverser la perspective », Cybergeo : European Journal of Geography, 686, juillet, https://journals.openedition.org/cybergeo/26427.
MARCHAL Hervé et STÉBÉ Jean-Marc, 2017, « Le pré-urbain : un territoire refuge aux confins du périurbain éloigné », Métropolitiques, 30 octobre, https://www.metropolitiques.eu/Le-pre-urbain-un-territoire-refuge-aux-confins-du-periurbain-eloigne.html.
RIPOLL Fabrice, 2013, « Quelle dimension spatiale des structures sociales chez Bourdieu ? Localisations résidentielles et jeux d’échelles dans La Distinction », in : Philippe Coulangeon, Julien Duval (coord.), Trente ans après La Distinction, de Pierre Bourdieu, Paris, La Découverte, RIPOLL Fabrice, 2013, « Quelle dimension spatiale des structures sociales chez Bourdieu ? Localisations résidentielles et jeux d’échelles dans La Distinction », in : Philippe Coulangeon, Julien Duval (coord.), Trente ans après La Distinction, de Pierre Bourdieu, Paris, La Découverte, p. 365-377.
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