Nouveau délai: L'appel à communication est repoussé au 22 mai 2020.
Le monde du travail est traversé par de multiples frontières, formelles et informelles,
visibles et invisibles, qui agissent comme autant de principes d’organisation et de
lignes de fracture. Ces frontières font l’objet de régulations et de dérégulations
successives, à l’échelle internationale, sociétale, organisationnelle. Elles sont
également au coeur de politiques publiques, de négociations (inter-)professionnelles
et de mobilisations collectives. Elles se recomposent au fil du temps, par des jeux de
scissions et de fusions, dont les conséquences ne sont pas toujours aisées à saisir
sur le vif.
Les 17èmes Journées internationales de sociologie du travail (JIST 2020) proposent
d’explorer la thématique des « frontières », thème retenu pour ses qualités
polysémiques, puisqu’il permet de réfléchir aux frontières dans le sens le plus matériel
et institutionnalisé du terme (frontières entre pays, entre groupes professionnels, entre
catégories de travailleurs et travailleuses – cadres / non cadres –, entre statuts
d’emploi, entre travail rémunéré et travail gratuit, entre lieux de travail et autres lieux
de vie, entre formation et emploi, etc.), tout en travaillant sur ses déclinaisons plus
informelles ou symboliques (frontières entre travail d’organisation et d’« exécution »,
entre salarié·e·s stables et intérimaires, entre « jeunes » et « seniors », entre humains
et machines, entre travail « féminin » et « masculin », entre élèves / étudiant·e·s
alternant·e·s ou stagiaires et salarié·e·s, etc.).
Voir l'appel à communication.
Thématiques
Une première déclinaison de l’analyse des frontières du travail renvoie évidemment
aux enjeux de la globalisation et du dépassement / recomposition des frontières
nationales du marché du travail, qui ont longtemps servi de référence aux sociologues,
y compris lors de travaux comparatifs sur les politiques d’emploi et expériences du
travail. Aujourd’hui, les circulations migratoires sont au coeur des recompositions du
monde du travail et permettent d’ouvrir un dialogue fructueux entre la sociologie du
travail et les spécialistes des mouvements migratoires. Toutefois, ces échanges
débouchent souvent sur un développement distinct des problématiques de recherche
en fonction des formes de mobilité (volontaires / contraintes) et/ou des groupes
sociaux concernés (migrant·e·s économiques, d’un côté, cadres expatrié·e·s, de
l’autre). Or, l’analyse sociologique des mobilités spatiales en lien avec le travail
gagnerait très certainement à dépasser les clivages – théoriques et méthodologiques
– qui marquent encore l’analyse des populations migrantes au travail, en fonction de
leurs origines sociales et ethniques, et en fonction de leurs statuts sociaux et
trajectoires d’emploi. Ces franchissements et transgressions de frontières concernent
aussi l’organisation du travail et les logiques de management que les firmes
transnationales véhiculent à travers le monde en poussant vers un modèle de plus en
plus homogène.
Une seconde déclinaison de la thématique des JIST 2020 concerne les frontières
entre les statuts d’emploi, qu’elles se manifestent sous des formes légales et
réglementaires, ou sous des formes idéologiques et symboliques. A nouveau, les
possibilités de déclinaisons de cette thématique sont multiples, allant du brouillage des
frontières entre les statuts d’indépendant·e et de salarié·e associé aux processus
d’uberisation des relations de travail, aux brouillages des frontières entre espacestemps
de travail et de hors-travail induites par les plateformes d’intermédiation entre
employeurs et employé·e·s, et autres initiatives de délocalisation des activités
productives, hors les murs de l’entreprise. Appréhender les effets de ces brouillages
de frontières sur la santé et la protection sociale des travailleurs et des travailleuses
nécessite un recul critique à l’égard de la subordination salariale qui fut placée au
contre des systèmes économiques de la deuxième moitié du 20ème siècle et une
exploration des effets concrets de l’idéologie entrepreneuriale qui se diffuse très
largement au sein de la gig economy. Un autre questionnement autour des frontières
du travail et de l’emploi concerne les rapprochements entre formation et emploi avec
l’essor de la professionnalisation des formations, la construction de « l’employabilité »
de plus en plus tôt dans les cursus éducatifs et le pilotage par les compétences des
maquettes de diplômes et des contenus d’enseignement.
En troisième lieu, les JIST 2020 invitent à une réflexion autour du déplacement des
frontières entre travail d’« exécution » et travail d’encadrement, l’un des piliers du
modèle fordiste de la production économique, et qui cède actuellement la place à une
organisation présentée comme moins hiérarchisée et plus fluide du monde du travail.
Outre l’apparition des nouveaux acteurs que sont les client·e·s dans les décisions
d’orientation de la production, c’est aussi par un enrôlement des salarié·e·s dans un
processus incessant d’(auto-)évaluation que les pratiques managériales évoluent.
Nous assistons à une diffusion très large des procédures de reporting, ranking,
benchmarking et autres néologismes, et ce jusqu’aux secteurs les moins
marchandisés des sociétés contemporaines, comme les universités, les associations
et les organismes de santé. Facilitée par le développement d’outils numériques de
suivi et de surveillance à distance des performances individuelles au travail, ces
recompositions dans l’encadrement des activités productives ont été au coeur d’un
renouvellement des problématiques analytiques en sociologie du travail au cours des
dernières années.
Enfin, les JIST 2020 souhaitent privilégier une réflexion sur les recompositions en
cours autour des catégories et catégorisations de travailleurs et de travailleuses. Dans
un contexte historique où les principes méritocratiques de l’égalité des chances sont
affirmés à l’unisson des instances politiques, et où la promotion de l’égalité et des
carrières féminines acquiert une certaine légitimité aux yeux des décideurs
économiques, qu’en est-il du dépassement ou de la recomposition des hiérarchies
sexuées qui ont historiquement marqué le monde du travail ? Quelle lecture
sociologique proposer de la présence de plus en plus fréquente de femmes au sein
des anciens « bastions masculins », alors même que ces professions subissent de
plein fouet les déplacements et recompositions du marché du travail ? Dans un
contexte marqué par une différenciation croissante, voire une polarisation, des
parcours de vie féminins, il paraît utile de s’interroger sur la pertinence actuelle des
outils analytiques forgés pour rendre compte de la sexuation d’un autre monde du
travail ; celui de la permanence et de la prévisibilité.
Par ces déclinaisons possibles de la thématique générale de la manifestation, nous
invitons des propositions communications qui s’interrogent sur les recompositions du
monde du travail en cours, saisies à travers l’évolution de ses différentes frontières,
selon les logiques de déplacement, de brouillage ou de recomposition. Nous sommes
particulièrement intéressé·e·s par des communications qui portent sur la manière dont
les catégorisations et découpages habituels en sociologie du travail aussi sont
interrogés par les évolutions du (ou des) monde(s) du travail en cours.
Site web du colloque : https://wp.unil.ch/jist2020/