La Faculté des lettres de l'UNIL rend hommage à M. Manfred Gsteiger, professeur de littérature comparée entre 1981 et 1996.
Le 21 janvier 2020 Manfred Gsteiger, professeur de littérature comparée dans notre faculté, nous a quittés. Né à Douanne (Be) en 1930, il avait étudié à l’Université de Berne et à la Sorbonne, où il avait obtenu son doctorat avec une thèse sur Chrétien de Troyes, alors que sa thèse d’habilitation avait porté sur la réception des poètes symbolistes en Allemagne. Il avait commencé par travailler pour la rubrique littéraire de Radio-Berne (1961-1966), puis pour celle de la Neue Zürcher Zeitung (1967-1992). Dès 1966 il avait été privat-docent, puis chargé de cours (1967-1992) de littérature comparée à l’Université de Neuchâtel. Il avait enseigné cette même discipline dans notre faculté : comme professeur extraordinaire de 1972 à 1980 et comme professeur ordinaire de 1981 à 1996, accédant successivement à l’honorariat. Il avait été, par ailleurs, professeur invité à l’Université de l’Illinois durant les années 1971-1972 et 1976. Les études de Manfred Gsteiger portaient à la fois sur la théorie de la littérature (Literatur des Übergangs, 1963 ; Poesie und Kritik. Betrachtungen über Litereratur, 1967), sur les thèmes récurrents de la littérature mondiale (Träume in der Weltliteratur, 1999; Schiffe in der Weltliteratur, 2001) et sur les littératures suisses (Westwind. Zur Literatur der französischen Schweiz, 1968, La nouvelle littérature romande, 1978, Die Schweiz von Westen. Beiträge zum kulturellen Dialog, 2002). Attiré par l’écriture littéraire, il avait publié cinq recueils de poèmes entre 1953 et 1966, puis un roman en 1993. Il avait traduit en allemand nombre de poètes de langue française : de Rutebeuf à Reverdy. Il avait été également l’initiateur et le membre fondateur de l’« Association suisse de littérature générale et comparée» (1977), ainsi que de la revue « Colloquium Helveticum. Cahiers suisses de littérature générale et comparée » (1985).
Manfred Gsteiger se distinguait par sa grande capacité de communication et d’attention à autrui, que sa première activité de journaliste avait probablement encore renforcée. Il était généreux dans sa manière de se donner et avait un grand pouvoir de réceptivité. Il était très chaleureux dans ses contacts et fidèle en amitié. Sa sensibilité artistique, qui le porta à l’écriture en vers et en prose, avait pris une dimension nouvelle au contact de son épouse, Pierrette Favarger, excellente céramiste, qui l’avait introduit dans les milieux des arts. Son excellente connaissance non seulement des langues nationales mais aussi des littératures allemande, française et italienne, à laquelle s’ajoutait sa bonne maîtrise de l’anglais, l’avait prédisposé à son activité de chercheur et d’enseignant : il possédait ainsi la capacité d’embrasser du regard et de la pensée plusieurs littératures en une réflexion globale, qui portait aussi sur l’essence même de l’écriture. Par ses publications il a contribué en particulier à une meilleure connaissance de la littérature romande en Suisse alémanique et dans les pays germanophones ; par son enseignement il a donné à des générations d’étudiants une ouverture de perspective sur les littératures européennes et sur les thématiques récurrentes de la littérature mondiale ; il les a aussi fait réfléchir et travailler sur le concept de l’écriture et sur les théories de la littérature. Manfred Gsteiger nous laisse donc le souvenir d’un généreux communicateur et d’un extraordinaire « passeur » des frontières des littératures et des pensées.
Jean-Jacques Marchand, professeur honoraire de la Faculté des lettres