Le prochain Labo 6X15’ donne la parole à un chercheur, Gabriel Salerno, et six artistes s’interrogeant, chacun à travers sa discipline, aux théories de l’effondrement. Soit à la fin du monde telle qu’annoncée par beaucoup aujourd’hui.
Il ne se passe pas un jour sans entendre que la fin est proche. La chute annoncée de notre civilisation laisse peu de monde indifférent, mais pas de la même manière pour chacun. Le Foyer de la Grange de Dorigny-UNIL en sera bien la preuve vendredi 21 février puisqu’un chercheur et six artistes issus de la scène contemporaine aborderont cette question chacun avec son propre regard, dans le cadre du prochain Labo 6X15’. En préambule de cette soirée riche en performance artistiques, interview de Gabriel Salerno, doctorant à l’Institut de géographie et durabilité de l’UNIL.
Gabriel Salerno, qu’est-ce que l’effondrement et à quoi fait-il référence ?
C’est une projection à partir d’un constat scientifique sur l’état de notre planète. On parle aussi souvent d’un état des lieux planétaire. À partir de ce diagnostic environnemental, on se trouve à émettre des hypothèses. Ou pour des personnes moins prudentes des prédictions. En somme, il s’agit de dire que nous sommes en train de détériorer et de dégrader le système terrestre à une échelle globale. Nos sociétés ne sont pas hors sol. Elles sont évidemment liées à la santé des écosystèmes, aux ressources disponibles. Étant donné que nous détruisons les premiers et que nous épuisons les seconds, notre société court le risque de ne plus pouvoir fonctionner de la même manière. Et par conséquent s’effondrer, vivre un crash. Mais finalement, les effondrements ne sont pas nouveaux. Certains ont déjà été expérimentés dans l’histoire de l’humanité. On trouve des exemples historiques avec les Mayas ou l’Empire romain.
Dans quelles mesure les théories de l’effondrement sont-elles crédibles ou réalistes ?
Il existe au moins un constat réaliste. Celui qui consiste à dire qu’on ne va pas pouvoir continuer à agir de la même manière que nous le faisons maintenant. On se heurte à des limites. Ce serait une fausse promesse que d’affirmer pouvoir continuer de la sorte sans en subir de graves conséquences. Mais il existe plusieurs manières de mettre ces éléments en récits. Certains auteurs s’aventurent à donner des dates, à expliquer les différents processus par lesquels nos sociétés vont passer jusqu’à l’effondrement. Ce qui est très délicat. Le système terrestre est très complexe. Il est donc très difficile de faire des prédictions et de s’imaginer comment les choses vont évoluer. Encore plus quand s’ajoute le facteur social et humain. Donc savoir comment les sociétés vont réagir, si des actions drastiques vont être entreprises, l’état des systèmes financiers qui pourraient peut-être dégringoler et qui pourraient avoir des lourdes conséquences, etc. Ce sont autant de questions délicates, pour lesquelles il est difficile de prédire quoi que ce soit. Mais il est évident que plus les dégradations seront importantes, plus nous saurons à quoi nous attendre. Si la température de la Terre augmente de trois degrés par exemple, on sait que nous ne pourrons plus vivre où nous vivons. En tout cas pas de la même de manière.
Quel impact concret ont-elles sur la population ou des groupes de population ?
Il y a deux types de réactions. Soit de jeter le bébé avec l’eau du bain. Ne pas adhérer à certaines mises en récit et donc nier certains constats pourtant bien avérés. Ou la réaction opposée. Chez certaines personnes sensibles aux questions climatiques et environnementales, l’abondance de constats scientifiques plutôt déprimantes et alarmantes pousse vers un ras-le-bol positif. Pour cette catégorie, bien consciente de la gravité de la situation, les récits ont la capacité de pousser à l’action. De créer des aspirations communes, de se rassembler pour envisager des solutions et d’imaginer un monde futur. D’être un point de départ pour des collectivités, des groupes de recherche.
Il est parfois question de récits de l’effondrement, d’autres fois de théories de l’effondrement. Quelle différence ?
Il existe depuis de nombreuses années de théoriciens de l’effondrement. Ils s’inscrivent dans une démarche scientifique. Ils n’expliquent pas un effondrement, mais l’ensemble des effondrements via une théorie pour comprendre aussi bien la chute de Rome que la disparition de la civilisation Maya ou notre propre situation. La perspective est donc différente des récits de notre effondrement moderne qui ne font que peu de liens avec le passé. Une théorie s’applique à toutes les civilisations et son regard est davantage historique. Quant aux auteurs s’intéressant uniquement aux risques de notre effondrement actuel, leur démarche est prospective et s’apparente davantage à une mise en récit. Ils ne cherchent pas vraiment à définir un processus d’effondrement qui serait commun avec ceux déjà expérimentés par le passé.
Labo 6X15’ : Fin du monde
Vendredi 21 février 2020 à 20h
Payant et sur réservation
grangededorigny.ch
Avec Gabriel Salerno, doctorant à la Faculté des géosciences et de l’environnement de l’UNIL, coordinateur et médiateur scientifique du cycle de conférences et d’ateliers Imaginaire des futurs possibles (UNIL + Zoein + Vidy)
Et 6 artistes de la scène contemporaine :
Delphine Depres, artiste plasticienne
Jocelyne Rudasigwa, compositrice et musicienne
Alain Freudiger, écrivain et performeur
Robin Michel, artiste plasticien
Thibault Walter, artiste sonore
Chloé Delarue, artiste plasticienne