Dialogue entre l’Art Brut et la science au Musée de Zoologie, entre deux spécimens naturels et une foison de rhinocéros colorés et fantasmés. Une proposition de Lucienne Peiry et de Michel Sartori de la Faculté de biologie et de médecine de l'UNIL.
Directeur du Musée cantonal de Zoologie à Lausanne, Michel Sartori s’est allié à Lucienne Peiry pour offrir au public une confrontation originale entre les deux spécimens naturels conservés au Palais de Rumine et les dessins de l’auteur d’Art Brut Gaston Dufour (1920-1966). Un dialogue haut en couleurs, accessible et joyeux jusque dans sa façon d’évoquer l’idée de « la mort qui entame la vie dès la naissance », pour citer le petit texte du psychanalyste François Ansermet dans le joli catalogue de l’exposition.
Historienne de l’art, Lucienne Peiry enseigne à l’EPFL depuis 2010 et intervient régulièrement à l’UNIL sur la thématique de l’Art Brut, notamment dans le cours de psychologie du professeur Pascal Roman, en SSP. Sa présentation de Gaston Dufour dans le catalogue précité est poignante : c’est le parcours d’un enfant malade et totalement incompris à son époque en France ; né dans une famille de dix, il doit quitter l’école à quatorze ans, il est congédié quand il tente de travailler, refusé par l’armée, isolé, suicidaire et finalement interné en hôpital psychiatrique. Il n’a alors que vingt ans…
Ce jeune homme qui aimait le cinéma vivra enfermé jusqu’à sa mort à l’âge de quarante-six ans. Il reste de lui ces dessins (petits et grands formats) où il s’extériorise en couleurs magnifiques, sous des formes foisonnantes qui évoquent toutes cet animal grandiose dont la puissance réelle et fantasmée lui fait tellement défaut : le rhinocéros.
En danger d’extinction
Il faut savoir que ces animaux sont aujourd’hui en danger d’extinction en Afrique (deux espèces) et en Asie (trois espèces dont une poilue), où leur corne est utilisée par la « médecine » et comme ornement et/ou pour ses supposées vertus aphrodisiaques. Les deux spécimens du Musée viennent d’Afrique. Le plus impressionnant des deux semble encore courir dans la savane (jusqu’à 40 km/h quand même) et son histoire reste floue (collection privée anglaise) : il s’agit d’un rhinocéros « blanc », en réalité une espèce à lèvre large et non pointue, qui lui permet de manger de l’herbe. Son collègue rhinocéros noir (autrefois plus répandu que son cousin blanc mais beaucoup plus rare aujourd’hui sous l’effet du braconnage) fut abattu le 7 juillet 1937 dans la région de Meru, au centre du Kenya. Ils ont été restaurés en 2018 et leurs cornes originales ont été remplacées par des fac-similés en résine. Par crainte d’un vol…
Exposition « Rhinocéros féroce ? » au Musée de Zoologie, Lausanne, Palais de Rumine, à voir jusqu’au 23 février 2020.