La Prof. Carole Clair, coresponsable du Département formation, recherche et innovation d’Unisanté, obtient avec la sociologue Joëlle Schwarz et la Dre Joana Le Boudec, un financement du Fonds national suisse de la recherche scientifique pour un projet de construction d’un index de genre propre au domaine de la santé.
L’instrument pilote Spark a été créé par le FNS en 2019 pour soutenir des projets de recherche non conventionnels et des approches scientifiques innovantes. Sur les quelque 700 projets soumis, toutes disciplines confondues, 22 projets retenus proviennent de l’UNIL et/ou du CHUV. Parmi eux, la recherche «Comment mesurer le genre ? Développement d’un index de genre spécifique au contexte pour améliorer la recherche en santé en Suisse », menée par l’équipe « Médecine & Genre » d’Unisanté.
Les inégalités face à la santé ne sont pas qu'une affaire biologique
L’intérêt de cette recherche part du constat que les femmes et les hommes ne sont pas égaux face à la santé. Ces inégalités proviennent parfois de différences biologiques, mais parfois aussi de différences liées aux catégories sociales de genre, et souvent des deux conjointement. Les maladies cardiovasculaires en sont un bon exemple. Des différences biologiques existent entre hommes et femmes (au niveau hormonal entre autres) pouvant influencer le développement de l’athérosclérose, les femmes ayant une protection relative par rapport aux hommes, du moins avant la ménopause. Ces résultats vont dans le sens du préjugé que les hommes sont bien plus à risque sur le plan cardiovasculaire que les femmes. C’est toutefois oublier la part des facteurs sociaux et comportementaux qui peuvent jouer un rôle dans le développement de ces troubles : la cigarette, le stress induit par la charge familiale et domestique, la charge « mentale », la position sociale et/ou le salaire souvent moindre qu’un homme. Et ce d’autant plus que ces facteurs sont souvent minimisés ou peu reconnus. Les risques de troubles cardiovasculaires sont ainsi clairement influencés par des normes sociales de genre, indépendamment du sexe de la personne.
« Dans la recherche en matière de santé, il existe un critère biologique évident : le sexe, mais aucune mesure pour le genre, variable sociale. Ce projet vise donc à développer un index de genre, sorte de faisceau multifactoriel, qui permette de mieux comprendre les déterminants sociaux qui induisent des inégalités entre hommes et femmes face à leur santé », nous explique Joëlle Schwarz. Cet instrument de mesure sera adapté au contexte suisse, et spécialement applicable à la recherche dans le domaine de la santé.
Une approche interdisciplinaire et longitudinale
Le projet d’Unisanté s’inscrit dans l’approche des déterminants sociaux de la santé, en plaçant le genre au même niveau que le statut socio-économique par exemple (et en intersection avec celui-ci). Elle relève d’une approche longitudinale afin d’inclure les aspects cumulatifs et combinés de l’influence du genre au cours de la vie. Interdisciplinaire par définition, le projet vise à renforcer la conceptualisation théorique qui guide la recherche sur le genre, permettant ainsi la diminution des biais idéologiques conscients et inconscients. Sa portée est également appliquée, avec la mise à disposition d’une approche et d’outils tant pour la recherche que pour la pratique clinique.
Selon les autrices, le genre représente un excellent point d’entrée pour (re)penser la complexité et mieux définir les autres déterminants sociaux de la santé (comme la classe sociale, l’appartenance ethnique, etc.).