Par décret du Président de la République, à la suite de son élection par l’Assemblée du Collège de France, le bibliste Thomas Römer a été nommé à l’automne 2019 administrateur du Collège.
Le bibliste Thomas Römer, professeur de Bible hébraïque dès 1993 à la Faculté de théologie et de sciences des religions, désormais professeur invité de l’UNIL et professeur au Collège de France depuis 2007, vient de prendre la direction du Collège à la suite du biologiste Alain Prochiantz. Le bi-national (allemand et suisse) devient ainsi le premier administrateur de cette institution fondée en 1530 à n’être pas citoyen français.
« Dès sa fondation à l’époque de la Renaissance et de l’humanisme, le Collège a une vocation européenne, esquisse Thomas Römer. Je veillerai à renforcer cette dimension de Collège d’Europe réunissant les meilleurs enseignants et chercheurs quelle que soit leur nationalité, à condition bien entendu de parler français puisque nos cours sont enregistrés et diffusés sur France Culture ou encore sur le site Internet du Collège. Il s’agit de pouvoir s’adresser à des auditeurs éclairés, intéressés par un savoir à la pointe de la recherche, qui ne sont pas forcément des spécialistes et qui viennent suivre librement les cours de leur choix ». Comme représentant du Collège, l’administrateur donne les orientations décisives et porte par exemple la responsabilité de redéfinir les chaires, en veillant à un équilibre entre les disciplines, issues des sciences exactes et des sciences humaines. « Les deux devises du Collège sont le savoir en train de se faire et l’idée que tout peut s’enseigner, même des disciplines rares qui n’ont pas les faveurs de la mode », explique Thomas Römer.
La chaire « Milieux bibliques »
Lui-même a intitulé sa chaire « Milieux bibliques » et s’inscrit dans la lignée d’un Ernest Renan, l’un des plus éminents historiens de la Bible au XIXe siècle, qui fut également administrateur du Collège. « Mais le nom de la Bible est entré au Collège avec moi », sourit Thomas Römer. En effet, la France laïque « avait tendance à tenir le religieux à l’écart et donc à laisser officiellement les textes bibliques dans la sphère religieuse, alors même qu’ils sont essentiels pour la compréhension de notre culture ». Dans la notion de « milieux bibliques », il y a l’idée précieuse que « la Bible n’est pas née dans un vase clos » et qu’il faut pour la comprendre et l’éclairer étudier l’histoire des époques et des civilisations qui ont entouré sa naissance dans le Proche-Orient ancien. Sans oublier la « contre-histoire » puisque maints épisodes relatés dans la Bible le sont pour des raisons purement idéologiques, par exemple dans le Livre de Josué le récit sanglant de la conquête du pays de Canaan par les Israélites, qui n’est étayé par aucune découverte archéologique et qui répondait sans doute à la volonté de contrer la menace assyrienne bien réelle en montrant que le dieu d’Israël était plus puissant que les divinités d’Assyrie (voir le magazine Allez Savoir, numéro 69).
Alors qu’il donne en ce moment sa dernière série de cours à l’UNIL et à l’EPFL avant sa retraite suisse en 2020, Thomas Römer continue ses recherches en collaboration avec l’archéologue Israël Finkelstein sur le site de Qiryath-Yearim, qui a abrité peut-être durant deux cents ans la fameuse Arche contenant les Tables de la loi … ou bien d’abord une statue de Yahvé, ce qui expliquerait pourquoi l’Arche fut jugée de peu d’intérêt et perdue à jamais puisqu’il était devenu interdit de représenter la divinité…
On pourrait écouter des heures Thomas Römer et ce sera possible encore pendant quelques années puisque la retraite au Collège de France est fixée à l’âge de 70 ans. A noter que vient de paraître dans la collection Que sais-je (PUF) un ouvrage de Thomas Römer lié à son cours au Collège de France sur la naissance de la Bible. Depuis 2008, une convention entre le Collège et l’UNIL a permis d’inviter chaque année à Lausanne deux professeurs du Collège de France pour des conférences ouvertes au public, un partenariat qui sera renouvelé en 2020 sous la direction de Nouria Hernandez pour l’UNIL et de Thomas Römer pour le Collège de France.