Interview d'Andrea Pilotti (IEP, Crapul-OVPR, Observatoire des élites suisses) à l'émission radio "La Matinale" (RTS La Première) sur le nouveau profil socio-professionnel du Parlement suisse à l'issue des élections fédérales du 20 octobre 2019.
Le Parlement s'est rajeuni et s'est féminisé, mais il a peu changé du point de vue socio-professionnel. Le nombre d'universitaires est toutefois en hausse et le Conseil national laisse toujours moins de place aux néophytes, selon une étude de l'Université de Lausanne à paraître. Voici ses principales conclusions.
TOUJOURS PLUS D'UNIVERSITAIRES
"C'est l'élément nouveau, alors qu'au cours des 25 dernières années, on avait plutôt observé une diminution des universitaires, en lien avec l'avancée de l'UDC", analyse le politologue Andrea Pilotti, responsable de recherche et chargé de cours à l’Institut d’études politiques de l’Unil et membre de l’Observatoire des élites suisses, interrogé dans La Matinale de la RTS. L'augmentation du nombre d'universitaires est liée, selon l'étude à laquelle il a participé, à l'arrivée des Verts et des Vert'Libéraux.
Et c'est le même constat au Parti socialiste, "même s'il y a des efforts pour diversifier les profils". "L'électorat socialiste, et l'électorat de gauche en général, est composé depuis une trentaine d'années de profils d'électeurs plutôt bien formés, qui ont des occupations professionnelles liées au cadre public, un petit peu moins au cadre privé", précise Andrea Pilotti.
Parmi les nouveaux parlementaires qui feront leur entrée à Berne en décembre, quasi tous ont d'ailleurs une formation universitaire: en droit, en sciences politiques ou encore en sociologie. On trouve aussi quelques parcours scientifiques, notamment chez les Vert'libéraux. En revanche presque personne n'a fait d'études économiques.
DAVANTAGE DE SALARIES
L'étude menée par l'Université de Lausanne "confirme la très grande stabilité du Parlement suisse dans son histoire". "La proportion de paysans, d'entrepreneurs, est similaire à celle que l'on a pu mesurer de la fin du 19e ou du début du 20e siècle", explique Andrea Pilotti.
Or, on remarque une légère hausse des salariés dans la composition de l'Assemblée fédérale, une fois encore, selon le chercheur, en lien avec l'avancée des Verts et des Vert'libéraux: "ces nouveaux élus sont des personnes issues du secteur public, des enseignants, y compris à l'université", à l'instar du Vert valaisan Christophe Clivaz.
Et puis ce parcours atypique: le Vert fribourgeois Gerhard Andrey, qui a d'abord fait un CFC de menuisier, avant de devenir ingénieur en bois, pour ensuite obtenir un master en informatique.
PEU DE "PROFANES"
Le Parlement version 2019 laisse une large place aux professionnels de la politique "qui abandonnent leur profession préalable pour se consacrer entièrement à leur mandat de parlementaire". "C'est une évolution de plus en plus importante, en raison des rémunérations qui ont été sensiblement améliorées depuis la fin des années 90", explique Andrea Pilotti. "Le Parlement suisse fait peu de place aux profanes, il y a peu de cas de parachutés sous la Coupole".
Les nouveaux élus ne sont donc clairement pas des néophytes: presque tous ont actuellement ou ont déjà eu un mandat électif, au niveau communal ou cantonal. A noter deux exceptions en Suisse romande: Gerhard Andrey (Verts/FR) n'avait jamais été élu auparavant, même s'il a exercé des fonctions au sein de son parti. Et le docteur Michel Matter (PVL/GE) entame sa carrière politique en allant à Berne.
Pour Andrea Pilotti, ils "compensent le manque de capital militant par d'autres ressources professionnelles et familiales". Le chercheur note d'ailleurs avoir trouvé dans la version 2019 du Parlement sept ou huit filles ou fils d'anciens parlementaires. On citera notamment Magdalena Martullo-Blocher (UDC/GR, fille de Christoph Blocher), Vincent Maitre (PDC/GE, fils de feu Jean-Philippe Maitre) ou Marina Carobbio (PS/TI, fille de Werner Carobbio).
Propos recueillis par Valérie Hauert
Adaptation web: Jessica Vial