Une équipe internationale de scientifiques de Lausanne, Munich et Vienne a découvert un nouveau procédé biochimique basé sur une nouvelle source d’énergie. Cette découverte, qui améliore notre compréhension de la physiologie des cellules bactériennes, pourrait déboucher sur le développement de nouvelles classes d'antibiotiques. Elle fait l’objet d’une publication dans la prestigieuse revue «Science».
Le plan de construction d'une cellule vivante est codé par l'ADN des chromosomes. L'ADN d'une cellule humaine, par exemple, mesure deux mètres, de sorte que les chromosomes doivent être compactés et organisés, tout en permettant la lecture des instructions contenues dans l'ADN. Les solutions précises à ce problème peuvent varier d'un organisme à l'autre, mais le défi fondamental est rencontré aussi bien chez les bactéries que chez les organismes supérieurs comme les humains.
En étudiant les processus fondamentaux responsables de l’organisation chromosomique, une équipe internationale de scientifiques dirigée par un groupe du Département de microbiologie fondamentale de l'Université de Lausanne et des collègues de l'Institut de recherche en pathologie moléculaire (IMP) de Vienne ont découvert une nouvelle activité enzymatique pour la protéine appelée ParB qui pourrait avoir des implications bien au-delà de leur domaine de recherche initial.
Les protéines ParB jouent un rôle important dans l'organisation de l'ADN bactérien. Elles sont présentes sur les chromosomes ainsi que sur de petits éléments d’ADN mobiles, qui sont utilisés pour partager de l’information génétique entre cellules. Ce dernier phénomène contribue à la propagation problématique des résistances aux antibiotiques. Sur le chromosome bactérien, les protéines ParB servent de régulateurs majeurs dans l'organisation de l'ADN à grande échelle. Bien qu’elles soient impliquées dans des processus cellulaires fondamentaux, leur mode d'action n'est pas encore entièrement compris. La découverte révolutionnaire décrite cette semaine dans la revue Science montre qu'un mécanisme-clé des protéines de la famille ParB est l'utilisation d’un carburant cellulaire alternatif, le cytidine triphosphate (CTP).
Alors que les molécules apparentées ATP, GTP et UTP sont couramment utilisées comme éléments de construction dans la cellule avec le CTP, seules l'ATP et le GTP ont jusqu'à présent été décrites comme des carburants majeurs. C’est la première fois qu’il est démontré qu’une enzyme utilise le CTP comme source d’énergie, ce qui en fait une découverte très inattendue.
La découverte de l'utilisation d’une source d'énergie alternative est la première du genre depuis la découverte des GTPases régulatrices il y a plusieurs décennies, qui ont servi de base à un tout nouveau domaine en recherche pharmaceutique.
La nouvelle découverte pourrait donc avoir des implications d'une portée tout aussi considérable. Ce travail révèle l’existence d’une nouvelle fonction majeure d'un organisateur de l’ADN, qui était passée inaperçue pendant des décennies. ParB étant une protéine essentielle chez plusieurs bactéries d'intérêt majeur pour la santé mondiale, comme les Pseudomonadales, cette découverte pourrait être la première étape pour identifier une nouvelle cible antibiotique. Il est probable que l'utilisation de la source d'énergie cellulaire alternative CTP ne se limite pas aux bactéries et qu’elle pourrait aussi jouer un rôle important dans la régulation de processus cellulaires fondamentaux variés, peut-être même chez les humains.
A propos du DMF à l’UNIL
Le Département de microbiologie fondamentale (DMF) de l'Université de Lausanne se compose de 13 groupes qui étudient un large éventail de sujets allant du microbiome de l'intestin de l’abeille à l’étude biochimique de la fonction des protéines. L'UNIL est située près de l'EPFL, une proximité qui favorise les recherches collaboratives entre les deux institutions. Le DMF travaille également en collaboration avec le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) en combinant les sciences fondamentales avec des thèmes de recherche qui sont également intéressants pour la communauté médicale.
A propos de l'IMP au BioCenter de Vienne
L'Institut de recherche en pathologie moléculaire (IMP) de Vienne est un institut de recherche biomédicale fondamentale largement commandité par Boehringer Ingelheim. Avec plus de 200 scientifiques de 40 pays différents, l'IMP s'est engagé dans la découverte de mécanismes moléculaires et cellulaires fondamentaux de phénomènes biologiques complexes. L'IMP est situé dans le BioCenter de Vienne, l'un des centres européens les plus dynamiques dans le domaine des sciences de la vie avec 1’800 employés de 70 pays différents répartis dans quatre instituts de recherche, trois universités et deux douzaines d'entreprises biotechnologiques.