David Gfeller, avec Michal Bassani Sternberg du Centre des thérapies expérimentales du Département d'oncologie UNIL CHUV, développe une nouvelle méthode, plus précise, afin d’identifier les signes moléculaires du cancer.
Des scientifiques de l’UNIL et du CHUV ont développé une nouvelle méthode, plus précise, afin d’identifier les signes moléculaires du cancer susceptibles d’être présentés aux cellules T auxiliaires qui stimulent et orchestrent la réponse immunitaire aux tumeurs. L’étude, dirigée par David Gfeller et Michal Bassani-Sternberg du Département d’oncologie UNIL CHUV, ainsi que de la branche lausannoise de l'Institut Ludwig pour la recherche sur le cancer, a été publiée dans la dernière édition de NATURE Biotechnology.
Cette méthode combine deux puissantes nouvelles technologies. La première, développée par le groupe de la Dre Bassani-Sternberg au CHUV, utilise la spectrométrie de masse pour obtenir rapidement et à faible coût les séquences d’acides aminés de milliers de peptides – ou fragments de protéines – liés à un complexe moléculaire connu sous le nom de HLA et exprimé à la surface des cellules. La seconde est une série d’outils bio-informatiques novateurs développés par le groupe du Prof. Associé Gfeller à l’UNIL.
« Cette méthode représente une sérieuse avancée dans nos efforts pour trouver de bonnes cibles pour l’immunothérapie anti-cancéreuse, explique Michal Bassani-Sternberg. Et cette avancée n’est pas seulement importante pour les vaccins et autres immunothérapies. C’est aussi un outil que nous utiliserons en recherche fondamentale pour mieux comprendre l’interaction entre les cancers et le système immunitaire. »
Les cellules infectées ou cancéreuses coupent en peptides les protéines aberrantes associées à leur dysfonctionnement, puis présentent ces peptides à leur surface, ce qui permet d’enclencher une alarme immunitaire. Elles utilisent pour ce faire deux types de molécules: les HLA I, qui activent les cellules T cytotoxiques, et les HLA II qui activent les cellules T auxiliaires.
Les chercheurs sont déjà tout à fait capables d’identifier les peptides susceptibles de se lier aux molécules HLA I. Mais les molécules HLA II s’avèrent plus problématiques. « La liaison aux molécules HLA II est moins bien comprise, relève David Gfeller. Cependant, l’immunologie nous a appris que la présentation des antigènes aux cellules T auxiliaires est absolument essentielle pour amorcer la réponse immunitaire. » Les résultats de récentes études sur le vaccin contre le cancer ont, en outre, indiqué que les cellules T auxiliaires sont cruciales pour l’induction de réponses immunitaires antitumorales efficaces.
Les principes de la liaison des peptides aux molécules HLA II ont été difficiles à cerner en raison de la diversité de ces molécules et de la complexité de ces liaisons. Les chercheurs ont fait l’hypothèse qu’une analyse non biaisée des peptides liés aux molécules HLA II, tels qu’on les observe par la spectrométrie de masse, pourrait révéler certains de ces principes. Mais ces analyses bio-informatiques sont loin d’être faciles. « Nous avons rapidement remarqué qu’il était très important de développer nos propres algorithmes parce que, de cette manière, nous pouvions les affiner pour résoudre ce problème particulier», ajoute David Gfeller.
Afin de développer leur modèle prédictif, l’équipe lausannoise de l’UNIL a analysé les séquences d’acides aminés de plus de 99 000 peptides liés aux molécules HLA II. David Gfeller et son post-doctorant, le docteur Julien Racle, ont utilisé cet ensemble de données pour entraîner leur algorithme basé sur l’intelligence artificielle et baptisé MoDec (pour « motif deconvolution »), en lui demandant d’identifier des motifs de liaison de molécules HLA II.
Les résultats de MoDec ont ensuite été utilisés pour développer un algorithme capable de prédire quels peptides peuvent se lier aux molécules HLA II. Cet algorithme est d’ores et déjà implémenté dans le programme de l’Institut Ludwig de Lausanne visant à développer des immunothérapies personnalisées pour le traitement du cancer. En outre, les chercheurs soulignent que leurs travaux pourraient être utiles à d’autres études et traitements contre les maladies auto-immunes et infectieuses.
Cette étude a été financée par l'Institut Ludwig pour la recherche sur le cancer, la Ligue suisse contre le cancer et la Fondation ISREC.
(Texte rédigé à partir du communiqué de presse (Anglais) du Ludwig Institute for Cancer Research ; Traduction : Fabienne Bogadi)