La cryopréservation du sperme est une technique visant à stocker à ultra basse température (-196°C) des spermatozoïdes tout en conservant leur capacité à fertiliser un œuf après décongélation. Dans une étude publiée le 25 septembre 2019 dans la revue «Proceedings of the Royal Society B», des scientifiques du Département d’écologie et évolution de l’UNIL ont montré que le sperme congelé produit des descendants qui grandissent moins vite que lorsque du sperme frais est utilisé.
La cryopréservation du sperme est utilisée de manière routinière dans la médecine reproductive, la production de bétail et la biologie de la conservation. Bien que les effets délétères sur les spermatozoïdes et leur capacité à fertiliser un œuf soient bien documentés, cette technologie est considérée comme sûre au regard de la qualité de la descendance. Il n’en demeure pas moins que les effets de cette technique sur la qualité de la descendance restent encore difficiles à quantifier.
Pour cause: la plupart des animaux chez qui la cryopréservation est utilisée sont des mammifères. Chez ces derniers, le nombre de descendants par portée est faible et la fertilisation ainsi que le développement embryonnaire se passent à l’intérieur de la mère. «Les effets maternels sur la qualité de l’embryon sont donc très importants, variables et difficilement contrôlables», explique David Nusbaumer, doctorant au Département d’écologie et évolution de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL et premier auteur de l’étude publiée dans la revue Proceedings of the Royal Society B. «De plus, pour contrôler les effets génétiques du père, il est nécessaire de tester le sperme d’un même mâle ayant été et n’ayant pas été congelé.»
Des poissons pour modèles
Or, fertiliser les œufs d’une même femelle avec les deux types de sperme d’un même mâle est extrêmement difficile chez les mammifères, et plus généralement chez les animaux à fertilisation interne. Raison pour laquelle les chercheurs lausannois ont décidé d’investiguer la question chez la truite de rivière. «Les femelles produisent plusieurs centaines d’œufs, la fertilisation et le développement embryonnaire sont externes, et les mâles ne contribuent qu’avec leurs gènes à l’embryon», poursuit David Nusbaumer.
Le taux de mortalité n’est pas affecté
Dans le détail, les biologistes ont collecté et cryopréservé le sperme de quarante mâles afin de fertiliser in vitro les œufs de dix femelles avec du sperme frais et du sperme congelé. Ils ont ainsi produit plusieurs centaines d’embryons dont la mère, le père et le type de sperme utilisé étaient connus. Chaque embryon a ensuite été élevé individuellement dans des conditions standardisées afin de mesurer sa survie et son développement à différents stades, et ce jusqu’à deux semaines après l’éclosion. «Il s’est avéré que les descendants produits avec du sperme congelé se développaient plus lentement que leurs congénères, mais uniquement après l’éclosion. Toutefois, ni leur taux de mortalité ni leur capacité à résister à une infection bactérienne n’étaient comparativement différents», commente Claus Wedekind, professeur ordinaire au Département d’écologie et évolution de l’UNIL et directeur de l’étude.
Effets à retardement
Ces résultats ont amené les scientifiques à conclure que la cryopréservation du sperme affecte la croissance de la descendance. «Il faut relever que ces effets, d’une part, n’apparaissent qu’à des stades ultérieurs de développement, soit plusieurs jours après l’éclosion de l’œuf, lorsque la contribution génétique du père se fait plus importante et les effets maternels moins prédominants. D’autre part, cet effet est universel, c’est-à-dire que ni la qualité des femelles ni celle des mâles n’influencent l’impact de la cryopréservation sur le développement embryonnaire», conclut David Nusbaumer.