A l’UNIL les jeunes du mouvement Fridays For Future donnent la parole à Greta Thunberg et Jacques Dubochet dans l’émotion du moment et l’effervescence médiatique.
Les jeunes Français, Danois, Suisses, Italiens, Portugais, Estoniens, Ukrainiens, Turcs et d’autres pays encore, réunis à Lausanne jusqu’au 9 août 2019, portent une initiative citoyenne européenne qui veut peser sur les institutions de l’UE en « tenant compte des spécificités de chaque pays ». Si la Suisse n’est pas directement impliquée, elle fait pleinement partie de ce mouvement des jeunes, et moins jeunes, qui alertent la planète sur les conséquences prévisibles et pour certaines déjà réelles d’un réchauffement climatique dépassant la barre des 2 degrés.
Bien présente mais modeste, Greta Thunberg va son bonhomme de chemin résolument et sans tirer la couverture à elle ; son action débutée à petite échelle galvanise bel et bien un combat multiforme emmené de longue date par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Elle parle quand il faut et laisse souvent le micro à d’autres jeunes ou aux deux scientifiques assis à ses côtés : le physicien et biologiste Ernst von Weizsäcker et le Prix Nobel Jacques Dubochet, professeur honoraire de l’UNIL.
Une touche de pragmatisme
Weizsäcker insiste sur la nécessité de développer les énergies renouvelables et d’augmenter notre efficience énergétique en persuadant les leaders mondiaux du potentiel économique d’un changement bénéfique pour les affaires, sans omettre de souligner qu’un accroissement de la population mondiale ne contribuerait pas au changement nécessaire, question délicate à peine esquissée, tout comme la perspective « peu populaire » d’une vie plus modeste. Le politicien allemand insiste sur le pragmatisme, loin d’une opposition frontale au monde économique, et se dit reconnaissant envers cette nouvelle génération motivée, qui doit pouvoir montrer qu’un bien-être économique ne va pas de pair avec la destruction systématique des ressources.
Star malgré elle
A la question de savoir si elle serait elle-même un danger pour nos sociétés développées, Greta Thunberg réplique avec ironie : « Je suis très dangereuse, nous tous ici, parce que nous créons un mouvement qui agit avec les scientifiques. C’est une responsabilité trop grande pour nous qui sommes si jeunes mais nous devons la porter. Il ne s’agit pas de mépriser les politiciens, j’en ai rencontré beaucoup qui souhaitent vraiment agir ; nous ne devons pas nous en prendre à des individus mais à un système. Ceux qui se sentent menacés créent de la confusion mais finalement c’est un bon signe, nous existons et comptons sur vous aussi, les journalistes, pour dire qu’il ne s’agit pas d’une question d’opinion mais de faits avérés. Nous devons faire émerger une conscience forte de la situation et le public alors pourra également agir et pas seulement en Europe. Il y a eu des grèves de jeunes en Asie, mais encore peu, il faut les soutenir ».
Balayer les mensonges
Admiratif de Greta Thunberg, Jacques Dubochet adopte un ton plus vif que la jeune fille, le ton de l’urgence climatique dont il rappelle qu’elle s’affirme depuis les années 1972 (Rapport Meadows) dans un silence qu’il s’agit aujourd’hui de balayer, contre les mensonges d’une petite poignée de scientifiques égarés, « toujours les mêmes avec des arguments que nous balayons mais qui reviennent, si bien que c’est à vous les journalistes de ne pas leur tendre un micro complaisant car la communauté scientifique c’est nous, alors certains insistent davantage sur la nécessité d’arrêter les émissions carbone, d’autres sur la biodiversité, mais nous allons tous dans le même sens ».
Danger des réactions en chaîne
A titre d’exemple, quand on glisse le mot « catastrophe », le professeur Dubochet évoque une réaction en chaîne : « Les glaces du Nord fondent à cause du soleil, oui, mais surtout à cause des vagues qui viennent les casser brutalement avec un risque majeur pour des régions et des villes côtières bien connues ; la plus grande partie du réchauffement climatique a lieu dans les océans, ce qui fait fondre une couche protectrice qui retient les glaces si bien que la mer s’ouvre en des points jadis gelés et que le vent s’engouffre et déclenche les vagues qui cassent la glace, vous pouvez décrire ce phénomène, faites-le ! »
Par-delà les générations, les expériences individuelles et les contrées, un mouvement est né ; il s’affiche cette semaine à Lausanne avec la fine fleur de la jeunesse européenne qui compte bien motiver le grand public en donnant ainsi une forte visibilité à l’urgence climatique largement documentée par les scientifiques.