L’équipe du Prof. Andrea Volterra du Département des neurosciences fondamentales de l’UNIL, en collaboration avec des chercheurs espagnols, a mis en évidence le rôle-clé des astrocytes dans le contrôle des circuits de la mémoire. Les résultats de l’étude, à découvrir dans l’édition du 31 mai 2019 de la revue «PNAS», offrent un nouvel éclairage sur la maladie d’Alzheimer.
La mémoire épisodique, qui désigne le processus par lequel l'humain se souvient des événements vécus avec leur contexte (date, lieu, etc.), implique l'activité d'un circuit cérébral entre deux régions du cerveau : le cortex entorhinal et le gyrus denté de l'hippocampe. Plus précisément, le cortex entorhinal envoie au gyrus denté deux sortes d’information par l’intermédiaire de fibres neuronales de type différent. Le premier type amène des informations spatiales alors que le deuxième des données sur les caractéristiques du contexte. Ces informations sont ensuite traitées dans l’hippocampe au niveau des synapses, le lieu de communication entre neurones, et liées entre elles.
Ces deux types de fibres neuronales du cortex n’ont pas seulement des propriétés fonctionnelles différentes, mais présentent également une dégradation différente au cours de la maladie d’Alzheimer. Les raisons de cette sélectivité restent mystérieuses.
La glie est au cœur du processus de mémorisation
Les astrocytes, qui constituent la plus grande population de cellules cérébrales non neuronales du cerveau (la glie), sont au cœur de ce processus. «Jusqu'à récemment, personne ne pensait que les cellules gliales pouvaient jouer un rôle central dans les variations de la mémoire, que l’on pensait essentiellement générée et contrôlée par l’activité des circuits neuronaux», relate Andrea Volterra, professeur ordinaire au Département des neurosciences fondamentales de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL. «Cela dit, les astrocytes sont déjà connus pour moduler les circuits neuronaux et de plus en plus de preuves suggèrent que cette capacité pourrait également avoir un impact sur les activités plus complexes telles que la mémoire.»
La compréhension du rôle exact des astrocytes et des modalités de leur implication était au cœur de l’étude menée par l’équipe du Prof. Andrea Volterra et qui fait l’objet d’une publication dans la prestigieuse revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS).
Au fil de ses recherches réalisées sur des souris, le professeur lausannois a fait plusieurs observations nouvelles et importantes. Premièrement, les astrocytes exercent un contrôle sur un seul type de fibres neuronales du cortex entorhinal, celles qui amènent les informations spatiales, alors qu’ils n’ont aucun effet sur celles qui amènent les informations sur le contexte. Ensuite, les astrocytes exercent ce contrôle en activant un récepteur de la classe NMDA pour N-méthyl-D-aspartate. Normalement, le récepteur NMDA est présent au niveau des synapses entre neurones alors que dans ce cas on le retrouve sur les terminaisons des fibres provenant du cortex entorhinal directement en regard des astrocytes. Finalement, les caractéristiques moléculaires et fonctionnelles de ce récepteur sont différentes par rapport au récepteur NMDA synaptique, ce qui en favorise l’activation par les astrocytes.
L’implication des astrocytes dans la maladie d’Alzheimer
«Ces découvertes apportent non seulement de nouvelles informations sur les mécanismes d'interaction entre les astrocytes et les neurones. Elles sont également importantes sur le plan conceptuel, car elles montrent que les astrocytes ont des actions ciblées et spécifiques au niveau de certains circuits, y inclus les circuits de la mémoire», commente le Prof. Andrea Volterra.
Dans une étude préalable (Cell, 2015), son groupe a montré que l’altération du contrôle astrocytaire de ce circuit provoquait un déficit de mémoire contextuelle, un phénomène susceptible de se produire dans la maladie d’Alzheimer. Les données actuelles identifient une modalité très spécifique de la part des astrocytes capables de transformer une partie de l’information lorsqu'elle est envoyée du cortex entorhinal à l’hippocampe pour former des mémoires. Cette spécificité d’action pourrait ainsi être une des causes de la dégradation sélective de certaines fibres du cortex entorhinal lors de la maladie d’Alzheimer.
Les travaux publiés dans PNAS ont été financés par l’European Research Council Advanced Grant «Astromnesis» et les subsides du Fonds national suisse de la recherche scientifique obtenus par le Prof. Andrea Volterra.