Des étudiant·e·s du cours de Maîtrise en science politique « Economie politique de la mondialisation », dispensé par Jean-Christophe Graz et Sylvain Maechler, ont participé à la rédaction d’une publication scientifique qui explore la distinction entre les questions de risque et d’incertitude. Un travail qu'ils ont pu présenter lors d’un workshop organisé à l’Université d’Ottawa intitulé « Conceptualising Markets ».
En mettant l’accent sur la contribution majeure de l’économiste institutionnaliste Frank Knight, ce travail jette les bases d’une réflexion critique sur la création de nouveaux marchés censés répondre à la crise environnementale. Les étudiant·e·s ont non seulement pu accompagner leurs enseignants au workshop pour y présenter leur travail mais ils ont aussi pu participer à la 60e Convention de l’Association des Etudes Internationales (International Studies Association) se tenant cette année à Toronto.
Les étudiant·e·s du cours, Etienne Furrer, Emma Lunghi, Marc Monthoux, et Céline Yousefzai, se sont prêtés au jeu du journal de bord pendant leur voyage. Voici le récit de leur aventure.
Samedi 23 mars 2019. Zurich. Avion de 12h45 pour Montréal. Nous voilà embarqués. Puis débarqués. Pause clope, froid pénétrant. Puis rembarqués, en bus cette fois-ci, et direction l’Ontario. Plus précisément, direction la capitale administrative, Ottawa. Le paysage est plat, blanc, neigeux, boisé, soufflé par le vent. Quelques maisons par-ci par-là. Bref, le Canada. On roule. La ville apparaît, enfin. Tout comme la nuit. Tout comme la fatigue. Mais quelle Université ! AWESOME ! Le campus annonce la couleur : cette semaine canadienne sera grande ou ne sera pas. Exception faite de nos chambres. Nos cellules. Quatre nuits au trou, sans passer par la case départ. Bien heureusement, cette ancienne prison abrite aujourd’hui une auberge de jeunesse qui ne lésine pas sur le déjeuner. Il y a de quoi se mettre à l’aise. Sans compter la collègue et amie de Jean-Christophe Graz, Hélène Pellerin, qui, fort de nous voir attendre notre workshop du lundi avec impatience, a gagé d’occuper notre dimanche. « Quelle est la différence entre Ottawa et un yogourt ? … Dans le second, il y a une culture vivante » (Pellerin, forthcoming). Mais, loin de confirmer ce cliché, la journée sera intense : cabane à sucre, repas 100 % sirop d’érable et discussions endiablées sur la situation de l’économie politique internationale. Histoire de nous chauffer pour cette semaine.
Lundi 25 mars. Les choses sérieuses commencent. Le workshop nous attend. Comment notre papier sera-t-il reçu ? A-t-il été bien lu, apprécié ? Les critiques seront-elles constructives ? « Ah, il fallait un veston d’après toi ? » La science en action, voilà l’intérêt fondamental de ce voyage, commençant à se dévoiler. « Conceptualizing markets », rien que ça. Ça va travailler du concept. Les présentations se succèdent, mais elles se doivent d’être straight to the point, courtes et sans PowerPoint. C’est qu’il y a du monde, on n’est pas les seuls. Et que ce petit monde a bien l’intention d’échanger, de débattre, de creuser. Plus que défendre son papier, il s’agit aussi d’y faire entrer des pensées autres, d’élargir ou de corriger ce qui fut affirmé trop rapidement. Arrive le tour de l’article de la « Team Lausanne », la plus grande délégation, et de loin, devançant la seconde de quatre têtes de pipe. Que de commentaires, tantôt pertinents, tantôt à côté. N’est-ce pas la règle élémentaire de la critique que de pouvoir autant l’accepter que la refuser ? En dehors des séances de discussion, on voit poindre l’informel, le quotidien de la vie des chercheurs, la recherche souterraine, loin de la politesse des discussions de tablée. Ces échanges interpersonnels instaurent la possibilité de creuser, d’approfondir de manière privilégiée avec celles et ceux qui, lors du débat général, nous avaient impressionnés par leur vivacité ou leur pertinence. Bref, le workshop se dépasse lui-même.
Mercredi 27 mars. Une semi-détente s’installe. Le train pour Toronto nous attend, et nous n’aurons plus qu’à nous laisser guider de conférence en conférence dans un de ces sommets international comme il doit y en avoir beaucoup. Chouette, plus besoin de se préparer. Enfin, “qu’on disait” avant la lecture du programme. C’était sans compter que nous étions à l’ISA (International Studies Association). Trois lettres pour 290 pages d’événements en tous genres. L’improvisation mènerait au chaos. Une journée type : quatre créneaux horaires, chacun d’1h30. Et dans ces 1h30, à chaque fois entre 70 à 80 panels, table-rondes, présentations, remises de prix, réunions… de quoi avoir le vertige. Heureusement, la tranquility room du 34e étage permet, si besoin, de redescendre sur terre. D’ailleurs, le gigantisme de la conférence va de pair avec la ville : que ce soit le réseau souterrain, véritable ville sous la ville, le siège des grandes banques canadiennes, les buildings des big four, la bourse de Toronto ou encore la CN Tower, une des plus hautes structures de l’hémisphère Nord. Heureusement que notre AirBnB sur Richmond, rue adjacente à Queen street, à quelques pâtés de maisons du centre, nous permet de décompresser.
Samedi 30 mars. La clôture du sommet international. Parfois, les panélistes eux-mêmes ne viennent plus. Ces quatre jours intensifs sont peut-être trop denses. Ou, peut-être, les budgets dégagés par leurs universités ne comprenaient pas la nuit de samedi. En tout cas, celui de la nôtre oui, privilège suisse oblige, qui nous a permis à toutes et tous de profiter de cette dernière journée, soit en rattrapant les travaux nous attendant à Lausanne, soit en allant vaquer à d’autres activités, académiques ou non. À noter que, ce jour-là, une cérémonie fut donnée à la mémoire de Robert Cox, pape des relations internationales, qu’il révolutionna dans les années 80 avec son approche néogramscienne. Fin de journée, trêve de plaisanterie, il nous faut profiter de notre dernière soirée, last but not the least. Que manger ? Ukrainien, mexicain, argentin, éthiopien, chinois ? Rien de plus visible que la mondialisation dans une ville comme Toronto. Jean-Christophe, anciennement doctorant à York, connaît bien la ville, et il compte nous le prouver. « The best Korean in town », voilà ce qu’il nous promet. Et, s’il vous plait, avec de la neige. Décidément, le Canada se rappelait à nous, de peur que l’on ne l’oublie trop vite. « Le Canada a deux saisons, l’hiver et le mois de juillet ». Le reste passera à la postérité.
Par Etienne Furrer, Emma Lunghi, Marc Monthoux, et Céline Yousefzai