Des nourritures de la Cène aux locavores en passant par les aliments halal, Olivier Bauer, professeur à la Faculté de théologie et de sciences des religions, s’intéresse aux liens entre l’assiette et la spiritualité. Il nous livre le menu de la conférence qu’il donnera le 27 mars.
La présentation du professeur Olivier Bauer, mercredi 27 mars, tombe en pleine période de Carême, suivi par les catholiques, les anglicans et les orthodoxes, qui exclut normalement la consommation de viande, d’alcool et de sucreries. Cette étape de privation permet de préparer l’âme aux célébrations de Pâques. Lorsque l’on évoque le rapport des religions à la nourriture, « on commence souvent en effet par penser aux interdits. Mais ce qui est plus fondamental à mon avis, c’est plutôt l’idée d’une reconnaissance envers l’ailleurs, la Nature, l’être ou ce qui fournit la nourriture. De ce fait découlent certaines règles », nuance le directeur de l’Institut lémanique de théologie pratique.
A l’occasion de sa conférence, qui s’inscrit dans le cadre du séminaire interfacultaire en environnement 2019 sur l’alimentation, Olivier Bauer abordera un point qui l’intéresse depuis toujours : « les manières de classer la nourriture des différentes religions monothéistes, ainsi que de l’hindouisme et du bouddhisme », qu’il évoquera de façon transversale.
Le Carême en voyage
« Ce qui me fascine le plus est le jaïnisme, la religion la plus stricte. » Les fidèles, qui vivent majoritairement en Inde, ne peuvent pas manger d’animaux ni de légumes poussant sous terre car ils sont considérés comme vivants. « Il ne faut pas non plus croquer un pépin car il contient potentiellement de la vie » précise le professeur. Autre exemple, l’islam, qui classe les aliments en neuf catégories : illicites, détestables, douteuses, neutres, licites, préférables et obligatoires. « Dans l’hindouisme, la question de la pureté alimentaire s’articule autour de la personne qui cuisine, ou avec qui on mange. En bref, les brahmanes ne peuvent pas consommer des plats qui ont été préparés par les gens des classes inférieures » explique Olivier Bauer.
Mais à l’heure où la place de la religion s’amenuise dans notre société, influence-t-elle toujours notre façon de nous alimenter ? « De moins en moins. Mais c’est entré dans la culture, comme le vendredi, avec les restaurants et les cantines qui servent du poisson à la place de la viande. Sans oublier les traditions des repas familiaux à Noël ou Pâques. Les chrétiens orthodoxes demeurent plus stricts dans la tradition. Pour les satisfaire, la compagnie d’aviation russe Aeroflot est ainsi la seule à proposer un menu de Carême aux passagers. »
Prosélytisme alimentaire
« On pourrait croire que les athées mangent comme ils veulent » avance Olivier Bauer. Ce serait oublier les propres règles qu’ils se fixent en fonction de préférences environnementales, de santé ou encore d’éthique.
Le professeur soutient qu’après tout, « on mange aussi comme on croit ! A travers la nourriture, on voit un moyen fort d’affirmer une identité, comme le font par exemple les locavores, qui expriment le lien avec leur région et veulent respecter la planète, et les véganes, qui s’opposent à l’exploitation animale. »
Ce spécialiste des représentations médiévales de la Cène tire un parallèle entre les comportements culinaires et les comportements religieux. « On parle de transition alimentaire comme on évoquerait une conversion religieuse. On voit des véganes mettre en scène, notamment sur internet, leur premier nouveau repas, « leur première Cène ». Ils utilisent des gestes forts et symboliques, comme jeter à la poubelle les produits carnés. Puis dans cette nouvelle manière d’être, comme en religion, les véganes font preuve de prosélytisme, pour tenter de convaincre les autres. » Mais quel rapport à la spiritualité ? « On peut utiliser ce terme, car on est dans le questionnement de « qu’est-ce qui donne du sens à ma vie ? ». Ainsi, le véganisme ou l’antispécisme deviennent une clé de lecture de toute l’existence. »
Nectar sacré
Côté boisson, Olivier Bauer donne un cours public intitulé « Le vin divin » mardi 30 avril à l’église Sainte-Claire à Vevey, dans le cadre du cycle « Esprit du vin ? Esprit divin » organisé par la Faculté de théologie et de sciences des religions et comptant six intervenants qui exploreront les rapports entre vin et religions. Ils y parleront notamment de la valorisation du vin et de l’ivresse dans le judaïsme et le christianisme mais aussi du fait que l’on associe souvent à ce breuvage « une espèce d’expérience, de rencontre avec quelque chose d’autre. Boire du vin, c’est de l’ordre de la transcendance. Cela peut aussi être vécue par les personnes non-chrétiennes. »
Infos pratiques
Conférence « Pratiques religieuses et pratiques alimentaires »
Mercredi 27 mars 2019, de 17h15 à 18h45
Amphimax, 415
UNIL
Cours public donné par Olivier Bauer « Le vin divin »
Mardi 30 avril 2019, de 20h à 21h30
Vevey, église Sainte-Claire
Rue Sainte-Claire 1, Vevey