Le cours public du centre d’études médiévales et postmédiévales, consacré cette année aux animaux, démarre ce jeudi avec une conférence dédiée à nos amis à quatre, deux, ou sans pattes, dans le théâtre.
À entendre les noms de Molière, de Racine ou de Corneille, on pense au théâtre ainsi qu’à ses célèbres protagonistes. Sans vraiment se dire que cet art de la scène connaissait déjà avant eux d’illustres dramaturges. Autant que de pièces importantes. Et ce à plusieurs titres. Et au Moyen Âge déjà, les acteurs n’étaient pas les seuls à fouler les planches. Ce que montrera Estelle Doudet, professeure ordinaire à la Faculté des lettres, lors du premier cours public annuel organisé par le centre d’études médiévales et postmédiévales. Thème de la conférence inaugurale pour 2019 : « jouer l’animal, jouer avec l’animal dans le théâtre médiéval ».
En chair, en chiffons et en bois
Nous aurions tort de penser que nos compagnons à poils ou à plumes ne faisaient pas partie de la fête. Peu importe le genre. On trouvait bien des animaux sur scène, aussi bien dans des pièces religieuses, comiques, ou encore politiques. Même s’ils ne foulaient pas nécessairement les planches. « Tout dépend en effet des productions. Certains metteurs en scène faisaient le pari qu’inclure un vrai animal ferait d’avantage effet auprès du public », confirme la chercheuse. Comme des chats, des vaches ou des moutons. S’il n’est pas de bête interdite, certaines ont toutefois moins la cote. Le cochon par exemple dont on se méfie, parce qu’il est associé au mal, autant qu’il est familier. C’est l’époque (15e et 16e siècles) des jugements dans des tribunaux au cours desquels, pour avoir commis des actes criminels, des animaux sont exécutés.
Mais l’animal n’est pas toujours présent en chair et en os. Il arrive fréquemment qu’il soit joué par un acteur grimé. Voire, pour les troupes à petit budget, souvent dans le domaine de la farce, incarné par un objet. Un chiffon en boule par exemple. Sans compter les prouesses technologiques de l’époque en termes d’effets spéciaux, comme les animaux mécaniques articulés. « Des lions par exemple qui se déplacent, où on voit aussi la poitrine se soulever lorsqu’ils respirent. Dans Le jeu d’Adam (12e siècle), la première pièce européenne en langue moderne, non en latin donc, une didascalie précise qu’un serpent articulé doit s’enrouler autour de l’arbre », dont la pomme fut fatale à la condition humaine.
Campagne politique
S’il est cher à la littérature, le chien est moins souvent représenté que le chat. Mais dans le théâtre médiéval, c’est l’oiseau qui remporte la palme de l’animal le plus présent. Souvent à des fins comiques, le perroquet renvoyant à la bêtise de certains hommes par exemple, mais pas seulement.
« Le théâtre politique avait pour vocation d’informer le public, mais aussi de propager des idées. Dans ce domaine, la Suisse romande est très importante », indique Estelle Doudet. Afin d’expliquer à sa population les menaces provenant du Duc de Savoie, et signifier son alliance avec Berne et Fribourg au début du 16e siècle, la Municipalité de Genève commande une pièce. Pour incarner l'ennemi, le Savoyard est alors représenté par un épervier. Les Genevois, eux, sont transformés en poules, qui vont se réfugier dans les décors en bois, « formant de grands « A », liés par des sarments de vigne. Un message politique que comprend parfaitement le public ».
Programme :
Jeudi 21 février
Estelle Doudet (UNIL) : Jouer l'animal, jouer avec l'animal dans le théâtre médiéval
Jeudi 28 février
Constance Frei (UNIL) : Contrepoint voltatil, les oiseaux dans le répertoire musical du Moyen Âge au début de l'époque moderne
Jeudi 7 mars
Maud Pérez-Simon (Paris III) : Le bestiaire oriental de Marco Polo
Jeudi 14 mars, Aula du Palais de Rumine
Michel Pastoureau (EPHE) : Le corbeau médiéval, histoire d'un oiseau mal aimé
Jeudi 21 mars
Chiara Croci (UNIL) : Le phénix dans l'art paléochrétien
Jeudi 28 mars
Géraldine Toniutti (UNIL) : La licorne médiévale dans tous ses états
Entrée libre
Toutes les conférences sont données au Musée de Zoologie de 18h à 19h, auditoire XIX sauf contre-indication