Une alarme incendie, une odeur de gaz, et on prend ses jambes à son cou. Face à certains stimuli externes, nous avons appris à prédire une menace. Et à fuir. Dans une étude publiée le 11 février 2019 dans « Neuron », Massimo Trusel et Manuel Mameli, du Département des neurosciences fondamentales de l’UNIL, ont identifié les circuits et mécanismes neuronaux liés à cet « apprentissage » du danger.
Guidés par nos cinq sens, nous savons instinctivement anticiper l’arrivée d’une expérience négative et tentons de l’éviter en nous échappant, au lieu de faire face. Ce comportement, essentiel à notre survie et à celle de l’espèce, implique que nous avons appris à associer un stimulus externe (par exemple le son d’une alarme incendie) avec un événement aversif (le risque de mort).
Sauve-qui-peut
Dans une étude parue le 11 février 2019 dans la revue scientifique Neuron, l’équipe du professeur Manuel Mameli au Département des neurosciences fondamentales (DNF) de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL a montré que des circuits et mécanismes neuronaux liés à l’habenula latérale – une structure située au centre du cerveau – permettent cet apprentissage.
Pendant cinq jours, les chercheurs ont quotidiennement exposé des souris à un son suivi d’un petit choc électrique. L’expérience avançant, les rongeurs ont compris qu’ils avaient intérêt à fuir dès l’apparition du bruit, au lieu d’attendre la décharge. « Nos analyses ont montré que, lors de cet apprentissage, les synapses (zones de contact entre neurones) entre l’hypothalamus et l’habenula latérale devenaient progressivement plus efficaces », explique Manuel Mameli.
Moduler l’apprentissage
Grâce à des techniques optogénétiques, et en collaboration avec l’Université de médecine d'Innsbruck (Autriche) et l’Université municipale de Yokohama (Japon), les chercheurs lausannois ont ensuite spécifiquement inhibé la connexion neuronale entre l’hypothalamus et l’habenula latérale. Résultat : les souris apprenaient moins bien. Concrètement, après trois jours d’entraînement, elles étaient capables d’échapper au choc électrique environ 6 fois sur 30. Les animaux sains y parvenait trois fois plus souvent.
Les scientifiques ont également diminué l’efficacité des récepteurs dits « AMPA », situés à la surface des synapses de l’habenula. Or ces récepteurs sont activés par le glutamate, un neurotransmetteur associé à l’apprentissage et à la mémoire. Dans l’expérience, leur blocage a entraîné la stagnation de l’apprentissage.
« C’est donc un circuit neuronal très précis entre l’hypothalamus et l’habenula latérale ainsi que l’activation des récepteurs AMPA par le glutamate qui permettent à la souris de mettre en place un processus d’apprentissage, de créer le lien entre le son entendu et le danger, puis de s’échapper. Ce mécanisme est probablement identique chez toutes les espèces, y compris l’Homme », soulève Massimo Trusel, premier auteur de l’étude.
Mieux comprendre la dépression
Les résultats obtenus au DNF devraient permettre de mieux cerner certaines maladies psychiques puisque l’habenula latérale est par exemple impliquée dans la dépression. « On constate que les malades, lorsqu’ils sont confrontés à un stimulus externe, éprouvent des difficultés à évaluer le niveau de danger associé et à adopter un comportement adéquat », souligne Manuel Mameli.
Lors de précédents travaux, son équipe a montré qu’une stimulation profonde au niveau de l’habenula latérale permet de diminuer les symptômes dépressifs chez les rongeurs. Elle souhaite désormais investiguer plus précisément la manière dont des souris dépressives agissent face à une menace et sont capables d’anticiper un échappement.