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Quel futur pour la forêt alpine ?

Daphné Asse, doctorante au Département d’écologie et d’évolution de l’UNIL, étudie l’impact du changement climatique sur les écosystèmes forestiers d’altitude. Sa thèse s’appuie sur plus de 35'000 observations effectuées par des citoyens bénévoles.

Publié le 15 janv. 2019
Daphné Asse a étudié la répartition future de trois espèces d'arbres, le frêne, le bouleau, le mélèze, sur le massif français des Ecrins. © Fabrice Ducrest, UNIL
Daphné Asse a étudié la répartition future de trois espèces d'arbres, le frêne, le bouleau, le mélèze, sur le massif français des Ecrins. © Fabrice Ducrest, UNIL

Guetter et noter au gré des saisons la floraison du frêne, la feuillaison du noisetier ou encore le changement de couleur des feuilles du bouleau : des activités qui, en plus d’être plaisantes et plutôt simples, peuvent s’avérer précieuses pour la recherche sur le climat. La survenue d’événements saisonniers comme le débourrement (éclosion des bourgeons) possède un lien direct avec les variations de températures. L’étude de ces mécanismes répond au nom de phénologie, qui peut aussi s’appliquer à l’observation de la faune comme par exemple la ponte des amphibiens.

« En comprenant l’occurrence actuelle des événements phénologiques des arbres en montagne, on peut évaluer leur réaction face au réchauffement climatique. On prédit cela grâce à des équations et des approches de modélisation, en se basant sur des données fournies par des climatologues. Et ainsi réaliser des projections de la répartition des différentes espèces dans les forêts alpines », résume Daphné Asse, doctorante en écologie forestière, qui vient de mettre un point final à sa thèse. Un travail effectué en cotutelle entre l’UNIL et le Centre d’Écologie fonctionnelle et évolutive de Montpellier, et financé en partie par le Centre de recherches sur les écosystèmes d’altitude (CREA Mont-Blanc).

Bourgeons endormis

Daphné Asse a utilisé près de 35'000 observations phénologiques effectuées entre 2004 et 2014 dans la partie occidentale de l’Arc alpin, du Mercantour au val d’Aoste en passant par les Alpes vaudoises, fournies par les bénévoles du programme de sciences participatives Phénoclim du CREA Mont-Blanc. Cette passionnée de montagne y a travaillé en tant que chargée de mission. Son rôle était de développer le réseau de participants, que ce soient des professeurs avec leurs élèves, des particuliers ou des professionnels de la nature, ainsi que d’en former certains à l’observation des arbres. Les bénévoles reportent sur le site web les dates de débourrement, feuillaison, floraison et changement de couleur des feuilles. Un travail complété par les 60 stations de mesure de température, réparties sur les Alpes françaises, suisses et italiennes.

Décortiquant ces données phénologiques, la chercheuse montre que les hivers très doux, comme celui de 2007, retardent le débourrement et la floraison des arbres situés en fond de vallée et à basse altitude. « L’arbre a en effet besoin d’accumuler une certaine quantité de froid durant l’hiver pour redémarrer son activité au printemps. » Si le bourgeon ne parvient pas à engranger ce froid nécessaire, on dit qu’il ne parvient pas à lever sa dormance. La feuillaison et ainsi la photosynthèse se produisent alors plus tardivement, ce qui impacte directement la croissance au niveau du tronc et des branches. Le succès reproductif de l’arbre est aussi compromis : avec une floraison en retard, les fruits ont moins de temps pour parvenir à maturité. « On observe ce phénomène en fond de vallée et en basse altitude », précise Daphné Asse. Un schéma qui risque de se répéter, les hivers tendant à être toujours plus chauds.

A l’inverse, dans les forêts de haute altitude, les phénomènes de débourrage ont tendance à se produire de plus en plus tôt, selon les dix ans de relevés de Phénoclim. La survie de l’arbre entre alors aussi en jeu, puisque les fleurs et feuilles précoces risquent d’être touchées par le gel tardif.

Fleurs d’alpage menacées

La doctorante a ensuite modélisé jusqu’à 2100 la répartition de trois espèces ligneuses répandues dans les Alpes : le frêne, le bouleau et le mélèze. Elle a travaillé sur la répartition future de ces arbres uniquement sur le massif français des Écrins à une très haute résolution spatiale (50 mètres). Conclusion ? « Le mélèze et le bouleau risquent de dépérir localement en fond de vallée. De plus, les trois espèces étudiées vont toutes remonter en altitude et probablement coloniser les sommets alpins. On observe déjà ce phénomène aujourd’hui », affirme la chercheuse.

Les emblématiques paysages d’alpages seront réduits si la forêt colonise la montagne et cela s’en ressentira aussi sur des fleurs telles que l’edelweiss ou la renoncule des glaciers. « Dès aujourd’hui, il faut se poser des questions sur la gestion des paysages », souligne Daphné Asse.

La jeune femme précise les limites des outils de modélisation : « mes modèles ont permis de prédire la répartition potentielle déterminée par le climat. Or, d’autres phénomènes doivent être intégrés pour affiner les prédictions, comme la compétition entre les espèces d’arbres, les capacités de dispersion des espèces ou encore les perturbations et la fragmentation du paysage. Nos analyses ont permis de fournir un patron global des variations futures de la répartition à l’échelle d’un massif mais il faut rester prudent sur la quantification de ces variations. »

Naturalistes en herbe

Au-delà des résultats scientifiques, s’il y a bien un aspect que Daphné Asse retiendra de ce travail, c’est la richesse des sciences participatives. « L’observateur envoie ses données au chercheur et ce dernier lui transmet en retour un message avec ses résultats vulgarisés. La recherche étant financée par l’argent public, il est naturel que le scientifique explique aux bénévoles ce qu’il étudie. »

Sur le terrain, la scientifique a perçu un effet positif. « Dès qu’on fait observer aux gens le fonctionnement d’un arbre, d’un bourgeon, ils se sensibilisent aux questions de réchauffement climatique, s’approprient la problématique et demandent ce qu’ils peuvent changer à leur échelle. De plus, les sciences participatives connaissent un essor dans plusieurs domaines », conclut-elle avec un grand sourire.


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