De plus en plus de personnes issues de la société civile œuvrent à la production d’énergie. Une première journée publique de réflexion autour de ce thème est organisée ce samedi 1er décembre à l’UNIL.
La première journée de l’énergie citoyenne en Suisse romande a lieu ce samedi à Dorigny, coorganisée par Monica Serlavos de l’Institut de géographie et durabilité de l’UNIL et Coopergy, une coopérative basée dans le Jura. Le phénomène prend de plus en plus d’ampleur depuis 2007 et rassemble toujours plus d’intéressés. Explications avec la doctorante.
Monica Serlavos, qu’est-ce que l’énergie citoyenne ?
Il y a plusieurs définitions académiques. Mais toutes sont ancrées sur ce que l’on voit sur le terrain. Ce sont des structures telles que des coopératives, des associations ou des initiatives communales qui permettent aux citoyens de participer à la transition énergétique avec différents degrés d’engagement.
Quels sont les objectifs ?
Aller de l’avant avec la transition énergétique, stimuler la production décentralisée d’énergie renouvelable au niveau local et favoriser une consommation plus sobre et plus responsable de l’énergie. Pour y arriver, ces structures se servent surtout du solaire photovoltaïque, parce que c’est le plus simple d’un point de vue aussi bien technique qu’économique. Mais on trouve des associations travaillant avec du solaire thermique ou des centrales de chauffage à distance.
De quels types d’actions parle-t-on ?
Ce qui vise le collectif. Dans ce cadre, on ne s’intéresse pas à la personne qui met des panneaux solaires chez elle, mais à des individus qui se rassemblent autour d’un projet commun d’énergie citoyenne. Par exemple pour équiper une patinoire, une entreprise ou une école de panneaux solaires. Ce qui implique une discussion et une négociation avec des secteurs comme le public ou l’industrie.
Des initiatives qui viennent donc du peuple pour agir en faveur de la transition.
Pas seulement. Il y a deux modèles. Les coopératives et les associations s’inscrivent dans ce sens, celui du bottom-up. Mais des installations sont aussi proposées directement par des services industriels ou services d'énergie de communes. Plutôt top-down donc. Ce qui reste différent d’un fournisseur classique puisqu’il n’y a pas de but lucratif. C’est par exemple un service industriel local proposant la construction d’une installation financée de façon participative par le citoyen. Dans ce cas, il s’engage uniquement d’un point de vue économique. Les deux modèles sont intéressants dans la mesure où ils font appel à des personnes aux ressources, profils et disponibilités différentes.
D’où vient ce mouvement ?
Il commence en Allemagne dans les années 1990. À un moment où des citoyens ont eu conscience qu’ils avaient un rôle à jouer dans la transition énergétique. Aujourd’hui, près de la moitié de l’énergie renouvelable produite en Allemagne est le fruit de citoyens ou de collectivités.
Pourquoi s’est-il développé ? En réaction à une inaction politique ou en tant que volonté proactive ?
Un peu des deux. Quand on regarde les motivations à s’engager, on constate qu’elles sont très diverses. Certaines sont environnementales bien sûr, mais il y a aussi des motivations politiques de rendre le territoire autonome du point de vue énergétique et en dernier lieu des motifs économiques. Mais les porteurs de projets disent aussi qu’ils agissent en réaction à ce qui n’est pas fait par les responsables politiques. Soit parce que rien n’est fait, soit parce que c’est insuffisant. Il est aussi intéressant de souligner que cet engagement se développe dans le domaine de l’énergie, alors que par sa nature technique et abstraite, il est plus difficile d’accès. Contrairement à des initiatives qui portent par exemple sur l’alimentation.
Et en Suisse romande, puisque c’est le thème de la journée de samedi, où en est-on ?
Nous n’avons pas de chiffres précis, mais il existe au moins une vingtaine de structures actuellement. La plupart étant des coopératives produisant de l’énergie solaire photovoltaïque. Il y en a dans tous les cantons romands, aussi bien dans des zones urbaines que rurales. On estime qu’il y a au moins 2000 personnes en Suisse romande adhèrant à une structure de ce type aujourd’hui.
Vous parlez d’évolution d’un phénomène. Y a-t-il un moment charnière ?
2007 est marquée par une augmentation significative d’initiatives. Pour trois raisons selon les acteurs. Premièrement la mise en place de la rétribution à prix coûtant, un outil de la Confédération pour soutenir les petits producteurs d’énergie renouvelable. Deuxièmement Fukushima qui a eu une résonnance en Suisse en 2011 puisque le pays a le parc nucléaire le plus vieux au monde. Enfin, les acteurs mentionnent souvent l’impact du film Demain, puisqu’il était très optimiste et pragmatique, qui a donné des idées.
Pour terminer sur la journée de samedi. Qui concerne-t-elle ?
La matinée s’adresse au grand public, dans l’idée de parler de ce qu’est l’énergie citoyenne et de faire le point sur la Suisse romande sur la base de ma recherche. Des ateliers seront proposés l’après-midi aux porteurs de projets autour d’une question centrale : quel réseau pour la Suisse romande ? Dans beaucoup de pays, des réseaux ont été mis en place pour coordonner ces acteurs, mais pas en Suisse. Il sera donc intéressant de discuter de cela avec les premiers concernés pour savoir ce qu’ils en pensent, d’autant que c’est la première fois que tous seront réunis dans un même lieu.
Journée romande de l’énergie citoyenne
Samedi 1er décembre
Géopolis, salle 1612
Entrée libre sur inscription