Dans une nouvelle étude publiée dans la revue scientifique «Science», l’équipe du Prof. Petr Broz au Département de biochimie de l’UNIL a identifié un nouveau mécanisme contrôlant la mort des cellules immunitaires, un processus lié à diverses maladies inflammatoires, dont la septicémie, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) et l'arthrite.
La mort cellulaire programmée est un mécanisme essentiel, qui permet à notre corps d’éliminer les cellules âgées, malades ou indésirables. Une forme particulière de suicide cellulaire - nommée la pyroptose - est utilisée pour tuer les cellules infectées par des bactéries ou des virus pathogènes. La pyroptose est la conséquence de l’activation d’une protéine nommée Gasdermin-D. Gasdermin-D perce des trous dans l’enveloppe des cellules, provoquant le gonflement et la mort par éclatement de celles-ci.
Lorsque la machine s’emballe, elle peut provoquer diverses maladies
Bien que la pyroptose ait des effets bénéfiques et désirables, elle contribue également à de nombreuses maladies inflammatoires. «Pendant la pyroptose, les cellules qui meurent sécrètent des molécules causant une inflammation et recrutant d’autres cellules immunitaires. Lorsque ce processus devient incontrôlable, il provoque une réaction inflammatoire excessive qui endommage les tissus sains», détaille Petr Broz, professeur associé au Département de biochimie de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL et directeur de l’étude publiée dans la revue Science. Cette inflammation chronique est impliquée dans plusieurs maladies auto-inflammatoires, ainsi que dans l'arthrite et les MICI.
En observant minutieusement les cellules humaines subissant la pyroptose, les scientifiques lausannois ont découvert que les cellules formaient des «bulles» au niveau de leur membrane plasmique, c’est-à-dire de la membrane qui délimite une cellule. Ces bulles générées par les cellules permettent d’enlever les parcelles de membranes endommagées et de réparer l'enveloppe cellulaire. Les chercheurs ont également découvert qu'un complexe de protéines, nommé ESCRT-III, était nécessaire pour former ces bulles de membrane plasmique. «ESCRT-III est une machine moléculaire de réparation et lorsque son activité est bloquée, les cellules ne peuvent plus réparer les dommages causés par Gasdermin-D, ce qui engendre leur mort par pyroptose», poursuit le biologiste.
Le calcium, messager cellulaire
Comment les cellules reconnaissent-elles la région de la membrane plasmique qui est endommagée? «Elles utilisent le calcium, un messager cellulaire qui est 10’000 fois plus concentré dans le milieu extracellulaire qu'à l'intérieur des cellules. Lorsque la membrane plasmique est perforée par Gasdermin-D, le calcium pénètre dans la cellule, comme l'eau à travers un barrage fissuré, permettant aux cellules de localiser le dégât et d'y rediriger la machinerie de réparation ESCRT-III», explique Petr Broz.
Vers un traitement plus ciblé des maladies inflammatoires
La prochaine étape pour l’équipe lausannoise consiste à identifier les signaux biologiques régulant l'activité d’ESCRT-III pendant la pyroptose, afin de permettre un contrôle plus précis de cet appareil de sauvetage. Ces travaux pourraient éventuellement servir de base pour le développement de médicaments régulant le processus et contrôlant la pyroptose dans les maladies inflammatoires.