Dans une nouvelle étude qui vient d’être publiée dans le prestigieux journal psychiatrique «Molecular Psychiatry», des scientifiques du Département des neurosciences fondamentales (DNF) de l’Université de Lausanne (UNIL), sous la conduite du Dr Paola Bezzi, ont identifié le rôle caché, mais fondamental, des astrocytes dans le développement des fonctions cérébrales supérieures qui définissent notre personnalité.
Au travers de leurs travaux, les chercheurs de l’UNIL nous rappellent que l’importance d’être «né sous une bonne étoile» n’est pas liée aux étoiles du firmament, mais plutôt à celles qui sont localisées dans notre cerveau, les astrocytes. Le mystère demeure autour de la fonction de ces cellules étoilées: alors qu’elles constituent la majorité de la masse cérébrale des mammifères, elles ont toujours été considérées comme des éléments accessoires au fonctionnement du cerveau.
Le cerveau et la personnalité
Qu’est-ce que c’est la personnalité? Quelles parties du cerveau et quelles cellules sont impliquées? Quelles fonctions cérébrales peuvent le mieux définir notre personnalité? La personnalité est une combinaison de caractéristiques psychobiologiques et comportementales plus ou moins stables, qui se forment sur la base de nos expériences, influencées par la génétique (les caractéristiques transmises par les parents) et aussi par le développement et le fonctionnement correct de certaines aires du cerveau. Selon l’un des dogmes communément admis dans le monde scientifique, les neurones localisés dans le cortex préfrontal, une région située dans une partie antérieure du cortex, constituent les acteurs principaux de la formation de notre personnalité. Cette région de notre cerveau est le siège de différentes fonctions cognitives, telles que la flexibilité mentale, la régulation des émotions, la capacité d’anticipation, la résolution de problèmes, la coordination des pensées et des actions (mémoire du travail), processus essentiels à la formation de notre personnalité.
L’importance des astrocytes
Selon la nouvelle étude menée à l’UNIL et coordonnée par le Dr Paola Bezzi, une étonnante vérité a émergé. Le développement et la fonctionnalité des neurones du cortex préfrontal ainsi que les processus cognitifs associés, dépendraient du bon fonctionnement des cellules étoilées du cerveau (ou astrocytes).
Les scientifiques ont découvert que les astrocytes situés dans le cortex préfrontal sont très importants dans le contrôle et le maintien des niveaux de dopamine, une molécule fondamentale dans la régulation de la personnalité. «En collaboration avec un groupe de chercheurs de l’Université de Marseille, conduit par le Dr Jean-Pierre Mothet, nous avons démontré que le dysfonctionnement des astrocytes diminue la quantité de dopamine dans le cortex préfrontal, qui n’est plus suffisante pour la régulation des fonctions cognitives, causant ainsi des troubles de la personnalité communément associés aux pathologies psychiatriques», explique le Dr Paola Bezzi.
Ce travail supervisé par le Dr Paola Bezzi a été réalisé par un groupe de chercheurs du Département des neurosciences fondamentales de l’UNIL, dont les Dr Francesco Petrelli, Dr Luca Pucci et Dr Corrado Calì. «Dans notre travail, nous avons décrypté pour la première fois le rôle des astrocytes dans la régulation de la quantité de dopamine dans cette zone spécifique du cerveau au cours du développement postnatal», souligne le Dr Francesco Petrelli. «Plusieurs études ont montré que la dopamine est principalement connue comme neurotransmetteur du plaisir et sa fonction principale est d’activer les circuits de récompense du cerveau. Pourtant, elle a d’autres rôles moins connus mais non moins fondamentaux, tels que la régulation des fonctions cognitives, ce qui est confirmé dans notre récente publication dans le journal Molecular Psychiatry», ajoute le Dr Corrado Calì.
Potentiels traitements
La formation de la personnalité est un processus complexe qui prévoit un développement correct de plusieurs zones cérébrales, dont le cortex préfrontal s’avère être la plus importante. Plusieurs études tentent dorénavant de comprendre le fonctionnement du cerveau et spécialement du cortex préfrontal afin de déchiffrer les maladies qui lui sont liées. Afin de développer de nouvelles approches thérapeutiques pour mieux traiter les pathologies neuropsychiatriques, il est impératif de comprendre les mécanismes cellulaires et moléculaires à l’origine des troubles comportementaux liés au cortex préfrontal tels que la schizophrénie, les déficits d’attention ou encore le trouble obsessionnel compulsif. Les résultats obtenus par le groupe du Dr Bezzi pourraient aider à comprendre certains de ces mécanismes et par conséquent permettre de développer de nouveaux traitements afin de soulager certaines de ces pathologies.
Cette nouvelle découverte suggère que les cellules étoilées sont bien plus que des cellules «accessoires» de notre cerveau; elles pourraient constituer de réels régulateurs de l’intelligence et de la personnalité.