Conférence de Cheikh Sadibou Sakho, Anthropologue / Sociologue, Enseignant-Chercheur, Section Sociologie, Groupe de Recherche en Environnement, Énergie(s) et Sociétés (GRENES), UFR Lettres et Sciences Humaines, Université Gaston Berger, Sénégal
Mardi 25 septembre 2018
de 17h15 à 19h00
Anthropole 5033
Avec le soutien de la PlaGe - Plateforme interfacultaire en études genre
Résumé de la conférence
Les problématiques sociales liées à l’énergie engagent dans un questionnement pluriel qui, au-delà de ses aspects techniques et technologiques, comporte d’importantes implications politiques, sociologiques, anthropologiques, socioéconomiques, spirituelles, etc. En ce sens, ces problématiques ont une ampleur sociétale car elles se déploient autant dans les dimensions structurelles que fonctionnelles et/ou organisationnelles de la vie en société. Les questions énergétiques (sources, accès, usages, contrôle, maitrise, etc.) constituent ainsi, sans aucun doute, un des principaux noeuds contemporains de l’articulation écologies, économies et sociétés ; l’énergie étant, pour le moins, constitutive des systèmes sociaux et culturels dans lesquels elle participe à structurer l’organisation sociale de la subsistance notamment à travers la structuration des rapports de production économique et de reproduction sociale. Aussi, les questions énergétiques sont-elles proprement des questions cosmologiques. En effet, elles révèlent et problématisent l’ancrage des usages sociaux de l’énergie dans des formes ontologiques qui en même temps qu’elles donnent sens aux expériences ordinaires de vie des femmes et des hommes en cadrent les conformations et les configurations pratiques. Dans les contextes subsahariens, ces formes ontologiques constituent le creuset des innovations sociales par lesquelles les sociétés construisent les adaptations locales aux défis énergétiques locaux qui les assaillent.
Mais les innovations sociales, en ce qu’elles sont fécondes de ruptures majeures, offrent des possibilités de discontinuités significatives (y compris des discontinuités cosmologiques : d’où leur dimension socio-symbolique) ; particulièrement en ce qui concerne les logiques et les modalités de socialisation des usages et/ou de socialisation par les usages. Or, parce qu’elle est constitutive des systèmes sociaux, l’énergie est constitutive des rapports sociaux de sexe. Au Sénégal, penser les articulations énergie et genre oblige à questionner, entre autres, des thématiques comme : les défis et les enjeux de l’accès/contrôle des femmes à l’énergie, la pauvreté énergétique comme construit « genré », les innovations sociales énergétiques comme creusets de transformation des logiques traditionnelles de reproduction sociale des inégalités entre les femmes et les hommes. Dans le cadre de cette recherche (en cours), de telles thématiques représentent des ouvertures heuristiques pour explorer les capacités des dynamiques entrepreneuriales énergétiques féminines, actuellement promues dans le pays, à porter l’éclosion d’innovations sociales de rupture ancrées dans des formes ontologiques transgressives ; elles-mêmes en rupture d’avec les formes ontologiques hégémoniques et pouvant alors promouvoir une réorganisation critique des rapports sociaux de sexe. Dans cette perspective, cette recherche se dédie à l’analyse des mécanismes, enjeux et implications sociétales de l’appui de l’ONG Energy 4 Impact aux dynamiques entrepreneuriales énergétiques féminines dans la région de Tambacounda au sud-est du pays ; région caractérisée, à la fois, par une sérieuse précarité économique et par la vivacité de construits socioculturels patriarcaux.