Bertrand Fincoeur, actuellement chargé de cours (sociologie du sport) et chercheur FNS Senior à l’Institut des Sciences du Sport de l’Université de Lausanne (ISSUL), a reçu début juin à l’UNIL le Prix Fernand-Boulan lors du congrès de l’Association internationale des criminologues de langue française (AICLF).
Après des études à l’Université de Liège (2003), Bertrand Fincoeur a coordonné plusieurs projets autour de la prévention de la violence dans le sport et de la lutte contre la délinquance (Fan Coaching, Observatoire de la criminalité de l’Euregio Meuse Rhin, Centre Violence et Traumatisme de l’Université de Liège). En parallèle, il a aussi participé à plusieurs projets de recherche scientifique nationaux et internationaux dans le domaine du hooliganisme, du dopage, de la sécurité urbaine et des politiques en matière de drogues. Depuis 2012, il est arbitre auprès de la Cour Belge d’Arbitrage du Sport. Fin 2011, Bertrand Fincoeur rejoignait l’Université de Leuven (KU Leuven) pour y réaliser une thèse de doctorat en criminologie, soutenue en 2016.
Début juin, il a reçu le prix Fernand-Boulan de l’Association internationale des criminologues de langue française (AICLF) pour son travail de thèse de doctorat – "Le marché du dopage dans le cyclisme sur route belge et français : analyse de la demande, de l’offre et de l’impact de la lutte antidopage" – qui a été codirigé par le Professeur Fabien Ohl (ISSUL, UNIL) et la Professeure Letizia Paoli (KU Leuven). Ce prix récompense les capacités de recherche démontrées dans une étude originale par un·e jeune chercheur/se.
Bertrand Fincoeur, vous avez récemment obtenu le prix de l’Association internationale des criminologues de langue française, qui salue l’excellence de votre thèse. Qu’avez-vous éprouvé en le recevant ?
Une certaine forme de plaisir, bien sûr. J’ai surtout été content qu’après dix années où j’ai arpenté des congrès de sciences criminelles en étant à peu près chaque fois le seul à parler de sujets liés au sport, une association internationale vienne décerner un prix dans ce champ – la « criminologie du sport » – auquel je crois et qui, je l’espère, suscitera bien d’autres vocations ! Plus personnellement, j’ai aussi évidemment pensé à mes parents et à ma grand-mère, décédés pendant ma thèse, et qui auraient sans doute été heureux de vivre ça.
Quelles sont les étapes significatives de votre parcours qui vous ont conduit à privilégier cette thématique de recherche ?
J’ai toujours aimé le sport et je m’intéressais déjà aux enjeux politiques et sociaux de ce que l’on peut voir comme des dérives du sport. J’avais travaillé en Belgique sur le hooliganisme et les politiques en matière de drogues quand l’Université de Liège m’a demandé si j’étais intéressé d’être « le Belge » pour participer à un projet international dirigé par Fabien Ohl (que je ne connaissais pas encore !) pour l’Agence Mondiale Antidopage. J’avais le côté ‘sport’ et le côté ‘drogues’, ils ont pensé que je me pencherais volontiers sur le dopage. C’était bien vu ! J’avais une autre activité et j’ai participé, plus ou moins bénévolement, à ce projet pendant trois ans avec Fabien Ohl. Puis un jour, Letizia Paoli (que je ne connaissais pas encore non plus !) m’a appelé parce qu’elle voulait lancer un projet en criminologie sur le dopage, financé par l’équivalent belge flamand du FNS. Quelques mois plus tard, le financement était là et elle m’a proposé le poste de doctorant sur le projet. J’avais déjà 31 ans mais j’ai accepté parce que j’aime bien les défis et que c’était sans doute ma dernière occasion de faire une thèse. Quelques années plus tard, je ne regrette pas du tout cette décision !
Quelles difficultés avez-vous éprouvé dans votre travail de recherche ?
Je dirais que c’était de travailler sur le dopage dans le cyclisme, un sport souvent mis sur le banc des accusés depuis vingt ans. Très honnêtement, beaucoup d’acteurs dans le milieu en ont tout simplement marre de parler de dopage. Pour arriver à décrocher des entretiens, parfois, il faut vraiment être persévérant. Puis il faut arriver à aborder le sujet et gagner la confiance des gens. J’avais de la chance d’avoir déjà des entrées dans ce milieu mais je reconnais que, malgré cela, il peut y avoir un côté décourageant. Sinon, une autre difficulté éprouvée, au début, ça a été d’être immergé dans une université néerlandophone, imprégnée dans une culture très anglo-saxonne de la recherche. La différence, ce n’est pas qu’une question de langue. Mais aujourd’hui je suis vraiment ravi de cette expérience et je n’en retiens que des choses positives.
Quels sont les talents cachés qui vous ont aidé à surmonter ces difficultés ?
C’est gentil d’imaginer que j’ai des talents cachés. Letizia Paoli m’a dédicacé un de ses livres en disant qu’elle aimait mon style quiet but quite effective. Peut-être qu’elle a raison ! J’essaie d’être ouvert à tout, j’écoute les gens et je crois que je ne me prends pas trop au sérieux. Cela aide à relativiser ce qu’on fait et à se dire que si rien n’est jamais définitivement gagné, tout n’est jamais non plus complètement perdu !
Comment envisagez-vous la suite ?
J’ai un côté entrepreneurial, alors j’essaie de lancer plusieurs nouveaux projets en lien avec mes sujets : le dopage, la violence, l’éthique. C’est mon moment préféré dans la recherche. Quand un train est en marche, j’ai tendance à penser au prochain train à construire. Mais le nombre de voies est limité, j’en ai bien conscience. Si je pouvais déjà tracer la mienne ici à Lausanne, et l’inscrire dans la durée, cela serait formidable. On va dire que j’y travaille ! Et puis j’adore enseigner, cette idée de transmettre pour faire avancer. Mais c’est une dynamique : les étudiants m’apportent beaucoup et j’essaie de leur donner tout ce que je peux. C’est très stimulant. Comme disait une autre Letizia (Bonaparte) : pourvu que ça dure !