L'équipe du Prof. Francis Munier, professeur ordinaire à la FBM, en collaboration avec la Prof. Maja Beck-Popovic, professeure associée à la FBM, a développé une nouvelle chimiothérapie in situ qui permet de traiter les tumeurs cancéreuses intraoculaires de façon inédite.
Le rétinoblastome est une tumeur cancéreuse intraoculaire rare d’origine rétinienne, se manifestant généralement avant l’âge de 5 ans et pouvant toucher les deux yeux. Non traitée, la maladie engage non seulement le pronostic visuel mais aussi le pronostic vital. En cas de prise en charge précoce et adéquate, la survie atteint cependant 95% à 5 ans, ce qui représente le plus haut taux de survie des cancers pédiatriques.
Au fil des ans, l'Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, en partenariat avec le CHUV, est devenu un centre de référence international pour le traitement de cette maladie. Chaque année entre 50 et 60 nouveaux cas y sont référés, soit la totalité des cas helvétiques (10%) car c’est le seul centre agrée en Suisse pour ce type de cancers, mais aussi de nombreux cas venant de l'étranger (90%), souvent pour un traitement de la dernière chance avant l’énucléation.
De la chimiothérapie systémique à la chimiothérapie intra-artérielle
Depuis une dizaine d'années, le traitement du rétinoblastome a beaucoup évolué. En effet l'utilisation de la chimiothérapie systémique (injectée dans la circulation sanguine veineuse) a été largement remplacée à partir de 2008 par la chimiothérapie intra-artérielle, qui permet l'administration de la chimiothérapie directement dans les vaisseaux nourriciers de la tumeur, sans les effets secondaires liés à la toxicité de la chimiothérapie systémique. Pourvue d’une efficacité inégalée au niveau rétinien, la chimiothérapie intra-artérielle reste toutefois décevante en cas d’envahissement tumoral du vitré (espace gélatineux non vascularisé de l’œil). La maîtrise de la tumeur dans le vitré a enfin été rendue possible, lorsque le Professeur Munier et son équipe publient en 2012 une méthode de chimiothérapie intra-vitréenne (injection directement dans le vitré), rapidement adoptée mondialement en raison de sa sureté (risque d'extériorisation de la tumeur en dehors de l'œil estimé nul) et de son efficacité (taux de sauvegarde oculaire > 90%).
Ces avancées spectaculaires se sont cependant avérées impuissantes à prévenir l'énucléation (retrait du globe oculaire) pour sauver la vie du patient, en cas de propagation de la tumeur dans l’humeur aqueuse baignant la chambre antérieure de l'œil. L’invasion de ce dernier sanctuaire condamnait donc irrémédiablement tous les patients à l’énucléation, faute de traitement approprié.
Vers moins d'énucléations?
Une nouvelle étape vient d’être franchie cette année avec la description par le même groupe, d’une nouvelle voie d’administration, dite intracamérulaire, caractérisée par l’administration de la chimiothérapie directement dans la chambre postérieure avec remplissage rétrograde de la chambre antérieure. Le numéro d’avril 2018 du journal Ophthalmology rapporte les résultats prometteurs de son application dans une cohorte de 11 patients, sans survenue de métastases. Il s’agit de la plus grande série jamais publiée avec invasion de l’humeur aqueuse et surtout des tous premiers succès thérapeutiques dans ce contexte. Avec ces progrès, les limites du traitement conservateur du rétinoblastome se trouvent repoussé d’autant, permettant la sauvegarde de formes toujours plus avancées de la maladie.