La FBM présente chaque mois les femmes et les hommes qui font vivre la Faculté. Aujourd’hui, Elena Martinez, psychologue, adjointe aux Humanités à la FBM.
Elena Martinez, pouvez-vous résumer votre parcours?
Après un Master en psychologie obtenu à l’UNIL, j’ai décroché un poste d’assistante. Je ne me sentais pas prête pour la clinique, donc cela tombait bien. Dans le cadre de mon assistanat, je me suis spécialisée dans l’épistémologie de la recherche en psychologie: j’ai toujours aimé avoir une approche très réflexive de ma discipline! Plus tard, je me suis rapprochée de la clinique, en étudiant les représentations que les parents avaient de la maladie psychique de leur enfant. J’ai ensuite travaillé pour l’Office fédéral de la statistique, puis au Département de psychiatrie du CHUV chez Jean-Nicolas Despland. En parallèle j’ai œuvré, cette fois comme pure psychologue clinicienne, au sein de l’institution Pré-de-Vert, qui accueille des enfants en difficulté sortis du système scolaire. Je suis arrivée à la FBM en 2005, à la Commission des sciences humaines, créée sur l’impulsion de François Ansermet. C’était une première banderille pour les sciences humaines en médecine, et ce n’était pas évident: beaucoup de gens étaient un peu réfractaires. J’ai aussi mis un pied dans l’Enseignement à cette époque: j’ai été mandatée pour évaluer l’enseignement des sciences humaines dans certains modules du cursus de médecine. Ce qui m’a permis de devenir adjointe à l’Enseignement avec l’arrivée de Pierre-André Michaud comme vice-Doyen. Enfin, en 2016, je suis devenue adjointe aux Humanités.
Que regroupent les «humanités en médecine»?
Tout d’abord, cela n’a rien à voir avec l’humanitaire! Les humanités en médecine, ce sont les sciences humaines et sociales qui font de la médecine leur objet d’étude: il peut s’agir d’une analyse sociologique, historique ou encore économique d’enjeux médicaux. On peut aussi les définir comme l’étude des déterminants de la médecine et des pratiques médicales. En effet, la médecine n’est pas un domaine isolé, séparé du reste; elle est au contraire soumise à toutes sortes de facteurs, de pressions historiques, sociologiques mais aussi technologiques. L’avènement de la médecine personnalisée par exemple, induit par la technologie, soulève tout un pan de questions politiques, éthiques, juridiques, économiques, etc. Plus qu’un enjeu médical, c’est un choix de société. Le problème, c’est qu’on se borne trop souvent à analyser les conséquences, quand il est déjà trop tard. L’objectif des humanités en médecine, c’est de travailler en amont.
L’Institut des humanités en médecine (IHM) a été créé au 1er janvier 2018. En quoi est-ce important d’intégrer les humanités au sein de la FBM?
Si on prend des développements récents comme le séquençage génétique ou le big data, il faut distinguer deux temps. Dans un premier temps, nous avons besoin des sciences humaines pour des raisons techniques: il faut donner un cadre éthique, juridique à ces développements. Dans un second temps, il est important de rester dans une société humaniste, reposant sur des valeurs claires, qu’on parle de médecine personnalisée ou de la pratique médicale «traditionnelle». En tant que médecin, peut-on ne tenir compte que du somatique pur? Il y a aussi des choix à faire, des décisions à prendre qui ressortent à l’éthique, sans parler des facteurs culturels notamment. Intégrer ces dimensions, c’est la condition pour que la médecine reste «personnalisée», dans le sens d’une médecine humanisée, où la personne est prise en compte dans sa globalité. Et non pas seulement comme une séquence ADN, par exemple. La collaboration d’Aude Fauvel, historienne au sein de l’IHM, avec Patrick Bodenmann, qui travaille sur les populations vulnérables à la PMU, est un exemple de ce que peuvent apporter les sciences humaines dans le travail au quotidien d’un clinicien. Tous deux pilotent la commission «Dialogue Santé et Société» du CHUV qui organise des rencontres sous forme de dialogues entre représentants de la société civile et professionnels de la santé.
Pourquoi créer l’IHM?
Depuis une vingtaine d’années, toute une constellation de chercheurs et de médecins gravitent autour des sciences humaines au sein de la FBM. Il y avait l’envie de fédérer, de rassembler toutes ces activités, ces énergies en un lieu, pour stimuler les synergies et les développements. Cela s’est fait sous l’impulsion du Doyen Jean-Daniel Tissot, profitant d’un «momentum»: le Doyen, le directeur général du CHUV mais aussi le Médecin cantonal tiraient à la même corde. Tous estimaient qu’une réflexion éthique, sociale, mais aussi juridique, économique, était nécessaire sur les développements techniques en cours. L’IHM est d’ailleurs inscrit au plan stratégique du CHUV. J’ajouterais que l’IHM, dirigé par le professeur Vincent Barras, n’est pas une création ex nihilo: il est au contraire fondé sur l’Institut universitaire d’histoire de la médecine et de la santé publique (IUHMSP) qui existe depuis 1989. Une des originalités de l’IHM, c’est l’accent qui sera mis sur le savoir appliqué, sur le transfert sur le terrain, en clinique, du résultat des recherches. Cela sous la forme de recommandations et de formations notamment. C’est donc un institut voulu comme résolument translationnel, qui intègre des thématiques nouvelles comme la communication hospitalière et la spiritualité dans les soins.
Chercheuse, psychologue clinicienne, responsable administrative: vous avez eu plusieurs vies! Comment vous ressourcez-vous en dehors du travail?
Je fais de la photo depuis vingt ans. En amatrice, mais j’ai travaillé deux ans comme semi-professionnelle: j’ai été la photographe attitrée de la boîte de jazz Chorus pendant une saison, et j’ai fait des piges pour 24heures, Coopération et Via, le magazine des CFF. J’ai eu plusieurs expositions, à Lausanne bien sûr, mais aussi à Paris et Hambourg. Et j’en prépare une début septembre à Zurich. Son titre: «La vie malgré tout».