Les obsèques auront lieu le mercredi 28 mars 2018 à 15h00, au centre funéraire de Montoie (Lausanne).
“Celui grâce à qui, Ānanda, on connaît la douleur, on connaît l'origine, on connaît l'arrêt, on connaît le chemin, on ne trouve pas envers lui, Ānanda, le juste remerciement, même si la vie durant on l'honore […]; même ainsi, il n'est pas envers lui de juste remerciement.” Bhikṣuṇī-Vinaya (Trad. Edith Nolot)
La Section de langues et civilisations d’Asie du sud a la grande tristesse de faire part du décès de Jacques May, professeur honoraire de l’Université de Lausanne, survenu subitement le 22 mars 2018. Monsieur May était dans sa 91ème année. Il laisse derrière lui son épouse, Mme (Dr) Kim Hyung-Hi.
Jacques May est né à Aigle (Vaud) le 19 juin 1927. Après une scolarité classique à Lausanne, il étudia les Lettres à l’Université de Lausanne. Il s’initia au sanskrit sous la férule de son premier maître, Constantin Regamey, professeur de langues slaves et orientales, mais aussi musicien et compositeur. Après sa Licence ès Lettres, obtenue en 1945, Jacques May partit à Paris pour y étudier le sanskrit, le tibétain et le bouddhisme indien avec les plus grands noms de l’indianisme français, tels que Louis Renou, Jean Filliozat, Marcelle Lalou et d’autres encore. Il y obtint un certificat d’études indiennes en 1951, puis s’attela à la rédaction de sa thèse de doctorat qui fut publiée en 1959 sous le titre : Candrakīrti: Prasannapadā Madhyamakavṛtti (Commentaire limpide au Traité du milieu). Douze chapitres, traduits du sanscrit et du tibétain en français, et accompagnés d’une introduction, de notes et d’une édition critique de la version tibétaine. Paris : A. Maisonneuve, 1959 (539 p.), un ouvrage qui fut unanimement salué à sa parution.
En parallèle à la rédaction de sa thèse, Jacques May occupa un poste de bibliothécaire à la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne (BCU) de 1956 à 1961. Le travail de bibliothécaire l’inspirait d’avantage que l’enseignement dans le secondaire, pour lequel il ne se sentait pas de vocation. La bibliothèque était bien chichement pourvue en ouvrages concernant les études indiennes et orientales à son arrivée. En particulier, les périodiques, ainsi que les textes originaux et leurs traductions, faisaient cruellement défaut. Jacques May travailla avec ardeur et persévérance pour remédier à cet état de fait, et c’est en grande partie à son impulsion initiale que la BCU doit aujourd’hui sa magnifique collection orientaliste.
Mais l’appel du large se faisait sentir. Ayant appris le japonais, Jacques May partit au Japon après sa soutenance de thèse. Il y enseigna le bouddhisme et le tibétain à l’université de Kyoto (1962-1968) et surtout, il fut nommé rédacteur en chef du Hôbôgirin, Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme d’après les sources chinoises et japonaises, auquel il contribua par de nombreux articles. Il fut membre de l’Ecole française d’Extrême-Orient de 1965 à 1968.
En 1968, une chaire de professeur extraordinaire de philologie bouddhique fut créée pour lui ad personam à l’Université de Lausanne, qui fut muée en chaire de professeur ordinaire dès 1976. Jacques May enseigna le bouddhisme, le sanskrit, le pâli, le chinois bouddhique et le tibétain à la Section des langues et civilisations orientales jusqu’à sa retraite en 1992, tout en poursuivant ses recherches et ses publications sur la philosophie bouddhique madhyamaka. Il suscita de nombreuses vocations. Plusieurs de ses élèves firent des carrières brillantes, tant en Suisse qu’à l’étranger. L’un d’entre eux, Tom Tillemans, lui succéda sur la chaire de bouddhisme de 1992 à 2011.
Son érudition époustouflante, sa remarquable maîtrise de toutes les langues orientales qui ont véhiculé et véhiculent encore le bouddhisme, son verbe précis et coloré, son humour pince-sans-rire, et jusqu’à son écriture si soignée (le fruit sans doute d’avoir transcrit avec application les graphies les plus diverses) faisaient le délice de ses étudiants. Mais plus encore, ce qui marqua durablement les esprits étaient son humilité, sa gentillesse sans failles et sa patience inébranlable – dont peut témoigner l’auteure de cette notice, qui fut son élève bien peu méritante ! Avec Jacques May disparaissent tout à la fois une somme d’érudition et un homme d’un grand humanisme. Son départ attriste profondément tous ceux qu’il laisse derrière lui, mais leur laisse également un sentiment de gratitude, car il leur a été donné de le côtoyer et de l’avoir comme maître.
Nous transmettons nos sincères condoléances à son épouse, à sa famille et à ses amis.
Lausanne, le 24 mars 2018
Danielle Feller