C'est à un voyage en zigzag au travers de la connaissance que nous convie "l'Abécédaire des mondes lettrés", un site internet créé par l'École nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques (Villeurbanne). Visite guidée par Jean-François Bert, chercheur à l'UNIL.
Dans quels ateliers se fabrique le savoir ? Avec quels instruments, selon quelles méthodes ? «L’Abécédaire des mondes lettrés» offre la possibilité d’explorer ces questions, au gré d’un itinéraire personnel qui peut conduire de «Bibliothèque» à «Vertige» en passant par «Borgès». Accessible en ligne, cet outil se présente comme une carte du ciel, sur laquelle des mots ou des expressions liés à la connaissance remplacent les étoiles.
Les termes qui composent l’Abécédaire sont dotés de définitions rédigées par des universitaires. Mais «notre volonté ne consiste surtout pas à recréer Wikipedia. Les auteurs, issus de différents domaines, donnent leur point de vue sur des notions dont ils sont spécialistes», détaille Jean-François Bert, maître d’enseignement et de recherche à l’Institut d'histoire et anthropologie des religions (Faculté de théologie et de sciences des religions). Ce dernier a rédigé 20 notices, dont «Fiche» par exemple.
Ce parti-pris de subjectivité possède une conséquence heureuse pour le lecteur, qui pourrait craindre de se casser le nez sur une collection de textes arides. «Les termes choisis sont incarnés. Des formes d’écriture inattendues, comme la fiction ou le récit personnel, émergent.» Qu’on en juge avec cet extrait de «Machine à écrire», concocté par Christian Jacob, historien de l’Antiquité et inspirateur de l’Abécédaire. Il revient sur sa vie de doctorant pour traiter de son propre appareil, de marque IBM. «Massive et lourde, avec son moteur au léger ronronnement, elle inspirait la confiance d’un véhicule 4 x 4 pour parcourir les chemins accidentés et sinueux d’un doctorat de près de mille deux cents pages, lestées de centaines de notes, bardées de grec.»
A sa manière, l’Abécédaire répond à un paradoxe. «Même si le monde académique produit du savoir à longueur de journée, ce dernier n’est pas assez travaillé comme objet de recherche, en tant que tel», constate Jean-François Bert. Certes, les auteurs des notices s’attellent à la tâche. Mais de leur côté, les lecteurs peuvent également appréhender cette question en naviguant entre les concepts proposés.
Car l’un des intérêts de la plateforme, réalisée par l'École Nationale Supérieure des Sciences de l'Information et des Bibliothèques (Villeurbanne), réside dans les itinéraires parfois surprenants tissés entre les termes. Un réseau appelé à s’étendre, tant le champ sémantique du savoir est vaste. Visuellement, ces liens rappellent les constellations qui rassemblent les étoiles. En naviguant de notion en notion, les explorateurs se perdent... tout en constatant à quel point les concepts sont connectés entre eux.
Dans le but d’enrichir l’outil, Jean-François Bert invite ses collègues universitaires à participer à cette aventure en soumettant leurs idées au Comité scientifique de l’Abécédaire, dont il fait partie. «La plateforme offre une grande liberté, loin de la routine de la vie académique. Elle constitue l’occasion de collaborer avec des scientifiques issus de spécialités différentes.» Les chercheurs en sciences exactes sont particulièrement les bienvenus.