Jacques Dubochet (Université de Lausanne), Joachim Frank (Université Columbia, USA) et Richard Henderson (Laboratoire de biologie moléculaire, Cambridge, Angleterre), reçoivent le Prix Nobel de chimie pour leurs travaux en cryomicroscopie électronique.
L’Académie royale des sciences de Suède a annoncé ce mardi 4 octobre les noms des lauréats du Prix Nobel de chimie. Il s’agit de Jacques Dubochet de l’Université de Lausanne, de Joachim Frank de l’Université Columbia aux Etats-Unis ainsi que de Richard Henderson du laboratoire de biologie moléculaire de Cambridge en Angleterre.
Jacques Dubochet donnait en début d’après-midi une conférence au cœur de l’UNIL. Il a ouvert son intervention avec humour : « Une très grande reconnaissance s’impose. Ils sont sympas à Stockholm », lançait-il, avant de mettre en valeur la recherche, mais surtout les chercheurs qui l’ont mise au point. « Un prix scientifique est une chose ambiguë. Il met en évidence un individu, alors qu’il devrait mettre en avant un collectif. L’Académie nous honore pour un travail réalisé il y a 30 ans. Parce que nous avons inventé l’eau froide », glissait-il encore, rieur.
« Nous sommes des paquets de flotte »
Les trois chercheurs sont récompensés pour leurs travaux en cryomicroscopie électronique. Ces derniers permettent de fournir des images en trois dimensions de structures de biomolécules. Un manque réel selon le communiqué émis par l’institution suédoise: « Les cartes biochimiques ont longtemps été remplies d’espaces blancs. La cryomicroscopie électronique change tout. Les chercheurs peuvent désormais geler les biomolécules à mi-mouvement et visualiser des processus qu’ils n’avaient encore jamais vus ». « Cette technologie simplifie et améliore à la fois l’imagerie des biomolécules. Elle transporte la biochimie dans une nouvelle ère », précise encore le communiqué.
A la question de savoir comment l’idée vint aux chercheurs, Jacques Dubochet répondait qu’au microscope, l’air est opaque aux électrons. Ils choisirent donc d’utiliser de l’eau. « Nous avons dû trouver comment gérer le séchage, puisque l’eau s’évapore. Nous avons eu l’idée de la geler. »
Changement de méthode, un peu par hasard semble-t-il. Les besoins scientifiques imposaient d’immobiliser la structure de l’eau liquide. La vitrifier, et non la crystaliser. « Le Père Basile Luyet, de Savièse (VS), voulait comprendre ce qu’est la vie. Son idée consistait à dire qu’il faut bloquer la vie dans le refroidissement pour pouvoir voir ce qu’elle est. On ne comprend pas la vitrification avec notre méthode. Quand la science comprendra la nature de notre propre eau vitrifiée, elle fera d’autres avancées majeures dans le domaine de la biologie. Nous sommes des paquets de flotte », concluait-il.
Jacques Dubochet est né à Aigle le 8 juin 1942. Il obtient son doctorat en 1973 des universités de Genève et de Bâle. Il devient professeur à l’Université de Lausanne en 1987. Jacques Dubochet cumulera les casquettes de directeur du Laboratoire d’analyse ultrastructurale et du Centre de microscopie électronique. Il est professeur honoraire de biophysique de l’Université de Lausanne.