La European Association of Social Psychology a décerné la Kurt Lewin Medal au Professeur Fabrizio Butera. Cette médaille représente l’une des plus hautes distinctions européennes en psychologie sociale.
Professeur Butera, cette distinction salue vos contributions exceptionnelles dans le domaine de la psychologie sociale. Que représente ce prix très prestigieux pour vous ?
Il y a deux symboles importants. Le premier est représenté par le fait que ce prix porte le nom de Kurt Lewin, l’un des fondateurs de la psychologie sociale moderne, et l’un des chercheurs qui a montré le mieux comment la recherche fondamentale peut être mise au service de l’étude de problèmes sociétaux complexes. C’est cette direction que j’ai toujours essayé de suivre dans mon travail de recherche et c’est donc un honneur particulier de recevoir une médaille portant l’effigie de Lewin. Le second vient de l’association qui a décerné le prix : la European Association of Social Psychology n’est pas seulement l’association de référence pour les psychologues sociaux européens, elle est aussi une grande famille où j’ai grandi et où ont grandi mes maîtres et mes doctorants. Cette reconnaissance me fait donc chaud au cœur, comme quand on reçoit un signe d’approbation de sa famille. J’aimerais aussi remarquer que ce prix reconnaît le travail de la grande famille de collègues et collaborateurs avec qui j’ai eu le privilège de travailler pendant toutes ces années.
Comment est né votre intérêt pour le champ de la psychologie sociale ?
Dès que j’ai commencé à étudier la psychologie sociale, j’ai été fasciné par la possibilité de comprendre les mécanismes du changement social. J’ai toujours été dérangé par l’immobilisme et le fatalisme, par les comportements qu’on ne peut pas changer, par les biais cognitifs auxquels on ne peut pas échapper, par les stéréotypes qu’on ne peut pas briser, par les inégalités sociales qu’on ne peut pas contrecarrer, par les traditions qu’on ne peut pas faire évoluer. L’étude de l’influence sociale m’a fait découvrir que dans toutes les activités humaines il existe des mécanismes spécifiques qui permettent d’amener un changement, quelles que soient les résistances. En d’autres termes, mon intérêt pour la psychologie sociale est né de la curiosité pour les mécanismes qui font changer les personnes, les groupes, les sociétés et les cultures.
Quelles opportunités avez-vous eues en tant que chercheur à l’Unil ?
Je pense que la qualité de l’Unil que j’apprécie le plus en tant que chercheur est de fournir un cadre de travail stimulant, riche et diversifié, sans la pression à la comparaison compétitive qu’on trouve dans tellement d’autres universités. Un tel cadre est une vraie opportunité pour les chercheurs en ce qu’il permet de travailler avec une grande paix d’esprit ; je prétends—et certain de nos travaux le montrent—qu’un cadre moins compétitif permet de se focaliser davantage sur les vraies questions de fond qui nous occupent dans notre activité de recherche.
Quel regard portez-vous sur les perspectives futures de votre champ d’activité ?
Il y a quelques années, un étudiant m’a dit à la fin d’un cours que la psychologie sociale était une science pessimiste, et il est vrai qu’on avait passé l’année à parler de discrimination, exclusion, inégalités, agression, oppression, conformisme, … Je lui avais répondu qu’il avait raison, mais que c’était nécessaire ; en effet, nous étudions des phénomènes problématiques pour pouvoir comprendre les mécanismes qui permettent de les dépasser. De ce point de vue, la psychologie sociale est une science optimiste. Et je suis optimiste que dans le futur nous pourrons continuer à fournir des instruments d’analyse au service d’une meilleure compréhension des relations sociales, même celles qui paraissent les plus désespérées.