Les différences culturelles influencent la façon dont chaque population gère ses ressources en eau. Comprendre ces différences peut aider à identifier des stratégies de conservation efficaces et sur mesure. Tel est le sujet d’une étude co-dirigée à l’Université de Lausanne par le Prof. Grégoire Mariéthoz (IDYST, FGSE), publiée cette semaine dans la rubrique Letters de la revue Nature Human Behaviour sous le titre "Social tipping points in global groundwater management"
Face au changement climatique, la préservation des ressources en eau est fondamentale pour le maintien de la sécurité alimentaire mondiale. La surexploitation des aquifères par l’agriculture est un problème global, contre lequel lois et incitations semblent peu effectives. La mise en application de politiques de préservation est difficile en pratique et souvent politiquement problématique. D’autre part, les facteurs permettant d’encourager les consommateurs à une exploitation durable sont peu connus. Dans ce contexte, comprendre les sensibilités culturelles locales apparaît fondamental pour une gestion efficace et durable des ressources en eau.
Les chercheurs ont modélisé l’utilisation des ressources en eau pour l’irrigation agricole de trois régions qui connaissent une sécheresse chronique: le bassin de Murray-Darling en Australie, la Central Valley en Californie, et la région du Pendjab sur la frontière indo-pakistanaise. Ces modèles incorporent des données culturelles sur les attitudes sociales en termes de coopération et de conformisme dans ces différentes régions. Il en ressort que des mesures fortement punitives sont efficaces dans des cultures à tendance coopérative (comme au Pendjab), mais le sont beaucoup moins dans des cultures plus individualistes (comme aux Etats-Unis ou en Australie).
Les auteurs ont ainsi découvert que l’intervention la plus efficace pour faire changer les normes sociales en faveur de pratiques plus durables est d’augmenter dans la population concernée le nombre d’individus qui appliquent systématiquement les règles et quotas de façon indéfectible, sans triche ou fraude, en notant que le nombre d’individus indéfectibles requis pour faire une différence dans l’ensemble de la population varie fortement d’une région à l’autre. Les auteurs concluent que ce même modèle pourrait également être utilisé pour d’autres ressources naturelles partagées, comme par exemple la pêche ou les forêts.
Référence bibliographique
Juan Carlos Castilla-Rho, Rodrigo Rojas, Martin S. Andersen, Cameron Holley and Gregoire Mariethoz, "Social tipping points in global groundwater management", Nature Human Behaviour (DOI: 10.1038/s41562-017-0181-7)