Des chercheurs de l’UNIL et l’Inra (UMR Biogeco, France) ont démontré chez la mercuriale annuelle – une première chez les plantes – que l’expansion de son aire de répartition affectait sa composition génétique, réduisant le potentiel d’adaptation des populations présentes sur les fronts de colonisation. Une étude publiée le 10 août 2017 dans la revue «Current Biology».
La grande majorité des plantes et des animaux – Homme compris – ont connu des expansions ou des contractions spectaculaires de leur aire de répartition au cours de leur histoire évolutive, liées à des changements environnementaux.
Les phases d’expansion sont susceptibles d’affecter la composition génétique des populations sur les fronts de colonisation: en théorie, des goulots d’étranglements démographiques - autrement dit, la brusque réduction de la taille d’une population – provoqués par une expansion géographique peuvent influer sur l’efficacité de la sélection naturelle, en entraînant une accumulation de mutations délétères.
Cette accumulation va conduire à l’augmentation du nombre de variants génétiques avec un effet négatif sur la capacité de reproduction.
De la théorie à sa démonstration
Pour la première fois chez les plantes, des chercheurs de l’Université de Lausanne et de l’Inra de Bordeaux sont parvenus à apporter la démonstration de cette théorie: ils ont analysé 578’125 polymorphismes nucléotidiques dans 17’648 gènes de la mercuriale annuelle, une plante herbacée allogame de la famille des Euphorbiacées. Celle-ci a connu une expansion géographique importante depuis son refuge post-glaciaire en Méditerranée orientale (Grèce et Turquie).
Ces analyses génétiques, dont les résultats ont été publiés dans la revue Current Biology le 10 août 2017, ont permis aux chercheurs d’identifier la signature robuste d’un goulot d’étranglement démographique, révélant l’accumulation de mutations délétères dans les populations du front de colonisation. «L’impact de la sélection naturelle est atténué dans les populations à la pointe de la colonisation par rapport à celle du centre de l’aire de répartition, relèvent les auteurs de l’étude, les Profs John Pannell à la Faculté de biologie et de médecine (FBM) de l’UNIL et Santiago C. González-Martínez à l’Inra. Cela pourrait compromettre leur survie, et impliquer une moindre capacité d’adaptation face à de nouveaux changements environnementaux.»
Les effets négatifs associés aux phases d’expansion ont probablement affecté d’autres plantes en Europe, notamment les arbres forestiers qui ont connu une expansion spatiale importante depuis leurs refuges méridionaux durant la dernière période post-glaciation. Dès lors, cette étude peut amener à repenser les stratégies de conservation des ressources génétiques des plantes à l’échelle de l’Europe, en considérant une capacité d’adaptation potentiellement réduite des populations du nord de l’aire de distribution face aux changements climatiques en cours.